Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
352                      LA REVUE LYONNAISE
les, tandis que lui-même connaissait des pratiques effectives, savait
ressusciter les morts et prêcher aux démons. Il appritau pape qu'il
était nécromancien et qu'il avait étudié à Tolède. Innocent IVT le
pria alors de lui ressusciter un de ses amis avec lequel il pût causer
et s'enquérir de l'état de son âme. Ils choisirent donc un endroit de
Rome désert et isolé, vers lequel le pape se dirigea comme pour se
promener; puis il ordonna à ceux qui l'accompagnaient de s'écar-
ter et d'attendre son retour. Ceux-ci pensèrent qu'il descendait pour
satisfaire un besoin de nature, et firent comme il l'avait dit. L'éco-
lier ressuscita donc l'archevêque ami du pape avec toute cette pompe
et cette vaine gloire dont il avait coutume de s'entourer quandil
venait à la cour pontificale : d'abord s'avançaient les enfants char-
gés de préparer les logements, puis des bêtes de somme en grand
nombre portant des trésors, ensuite les damoiseaux de service, les
chevaliers, enfin lui-même avec de nombreux chapelains. Le nécro -
mancien lui ayant demandé où il allait, il répondit qu'il allait à la
cour du pape, auprès de son ami Innocent, qui désirait le voir. L'é-
colier lui dit alors : « Le voici, ton ami Innocent ; il veut te de -
« mander si tu es heureux. — Hélas ! non, répondit l'archevêque, je
« suis damné à cause de ma pompe et de ma vaine gloire et des
« autres péchés que j'ai commis, sans en faire pénitence, et c'est
« pourquoi j'ai été envoyé avec les démons et avec ceux qui descen-
« dent en enfer. » Après ces paroles la vision disparut, et le pape
retourna vers ses compagnons. »
   Les portraits ne sont pas moins remarquables que les récits. On
y trouve tout : les avantages physiques du personnage, son aspect
général, ses qualités d'esprit, ses opinions religieuses ou politiques,
et jusqu'à ses prédilections les plus minimes, lorsqu'elles sont
caractéristiques. L'un avait une prestance de prélat, les traits de
l'autre rappelaient ceux que la tradition donne à saint Paul. Celui-
ci était favorable à l'empereur, celui-là dévoué à l'Eglise, ce troi-
sième était un disciple de l'abbé Joachym. L'un était orgueilleux
comme tout bon citoyen de Parme, cet autre était un mauvais plai-
sant, comme le sont tous les Florentins1. A côté d'un habile mi-

  1
    Aujourd'hui encore les Florentins conservent on Italie un reste de celte vieille
réputation.