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FRA SALIMBENE 349 stricte vérité, il a l'obligeance de nous prévenir. C'est ainsi qu'a- près avoir raconté longuement une vision qu'il eut, il ajoute : « Cette vision est absolument vraie, mais nous y avons introduit quelques paroles se rapportant à la même matière, à l'occasion de Guillaume de Saint-Amour et de son pamphlet contre des ordres mendiants. » On aurait deviné d'ailleurs cette petite falsification, même en l'absence de son aveu. On peut, par analogie, retrouver quelques traces d'arrangement dans plusieurs autres récits, sur- tout quand l'auteur se met en scène : il retouche sensiblement ses discours avant de les livrer à la postérité. Avant de commencer sa grande Chronique, Salimbene s'était, pour ainsi dire, fait la main en copiant et corrigeant les chroniques des autres, et en composant lui-même des chroniques partielles qui ne nous sont pas parvenues. Il avait en outre écrit divers traités, religieux et autres, et notamment un livre De Tediis, analogue à celui de Gérard Pateclo. Il est vraisemblable que ce livre de Salimbene était en vers comme celui de Pateclo. Nous avons du reste quelques raisons de penser que Salimbene s'était exercé à la poésie, et on pourrait lui attribuer un certain nombre de passages en vers qu'il cite dans sa Chronique sans nom d'auteur. Car plusieurs de ces passages son, tellement médiocres qu'on admet difficilement que Salimbenet homme de goût, ait pu les recueillir pour les citer : tandis qu'il a pu très bien s'abuser sur leur valeur, s'ils sont de lui. Il semble qu'il ait prévu que sa grande Chronique était le seul ouvrage qui dût lui survivre ; car il y a inséré, en les y rattachant tant bien que mal, plusieurs de ses œuvres antérieures, son traité De corpore Domini, son livre De Prelato, etc. Nous pouvons donc nous représenter Salimbene, dans sa cellule, occupé à rédiger sa Chronique, ayant à ses côtés les quelques sour- ces écritesdont il use habituellement, plus loin ses propres ouvrages, puis ses notes de voyage1, et l'esprit tout rempli des souvenirs pressés de sa vie déjà longue. Le moment est venu de parler du plan qu'il a adopté. Il faut bien reconnaître, et la chose n'a rien d'éton- i La précision des dates qu'il donne, par exemple pour son séjour en France, si longtemps après le retour, ne permet pas de douter un instant qu'il n'eût rédigé, au r et à mesure, des notes de voyage.