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350 LA R E V U E LYONNAISE nant au treizième siècle, que sa Chronique n'est une œuvre composée ni dans son ensemble ni dans ses parties principales. La forme apparente est très simple, c'est celle que l'on désigne par le terme d'annales : après une année en vient une autre, et toujours dans l'ordre chronologique. Il y a donc autant de chapitres que d'années, avec des millésimes pour titres. Mais on aurait tort d'attribuer toute confiance aux étiquettes de ces chapitres; elles n'ont guère plus de valeur que les titres de ces merveilleux chapitres de Montaigne où il est question de tout excepté du sujet annoncé. De même dans Salimbene, les récits les plus intéressants sur une année sont placés incidemment à côté d'événements très antérieurs ou très postérieurs, et quelquefois ne se trouvent même pas indiqués dans le chapitre spécial consacré à cette année même. Cela tient à la façon dont il écrit : il suit en général — sauf pour les dernières années, où il raconte les événements presque au jour le jour — les annales de Reggio, qui ont également servi à l'auteur du Liber de Ternpo- ribus. Ces annales n'ont aucune élégance de forme : elles racontent sèchement les faits, les uns après les autres, enles réunissant, pour toute transition, par ces mots : « La même année il arriva aussi que...» Salimbene, qui se plaint beaucoup delà grossièreté de cette œuvre, se contente, pour y remédier, d'éliminer quelques barba- rismes, d'arrondir un peu les phrases et de supprimer des longueurs. D'ailleurs, il suit fidèlement les Annales, sans chercher à grouper autrement les faits. Fort heureusement il lui arrive à chaque page, à propos d'un fait ou d'un personnage, de se rappeler des souvenirs personnels, qu'il s'empresse de nous confier : un souvenir en amène un autre, et il se lance ainsi dans de longues digressions, après lesquelles il revient à son premier guide et à l'ordre chronologique, en s'excusant de s'en être écarté. <; Un exemple pris au hasard : sous l'année 1229, à propos du combat de San Cesario, il raconte la mort d'un de ses parents qui périt sur le champ de bataille. A cette occasion il se laisse aller à parler de sa famille et il finit par en établir la généalogie complète. Il avoue ensuite qu'il a écrit cette généalogie contre son intention, mais qu'après l'avoir commencée, il a cru devoir l'achever. Ce n'est pas tout : dans le cours de la généalogie, lorsque Salimbene arrive à son propre nom, il nous raconte l'origine de ce nom, puis l'histoire