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286                  LA R E V U E LYONNAISE
dans une lettre des chrétiens demeurant à Vienne et à Lyon, à
leurs frères d'Asie et de Phrygie. La petite communauté était ve-
nue de Smyrne, le vieux évêque Pothin à sa tête, et avec lui,ré-
servé à un rôle si important, Irénée, disciple de Polycarpe. Ils
trouvèrent le sol déjà préparé. Non seulement les Asiatiques fixés
à Lyon, mais encore les Gaulois, et comme partout, les femmes
en grand nombre s'affilièrent au culte naissant. Protégés d'abord
par le mystère dont ils s'enveloppaient, ils furent trahis par leur
accroissement. Poursuivis d'injures, assaillis à coups de pierres
par une populace excitée, exclus des bains et des autres lieux
publics, finalement traînés devant le gouvernement, les chrétiens
tombèrent victimes d'un sauvage fanatisme. La lettre dépeint avec
une abondance de détails terribles le courage de ces malheureux
 dans les interrogatoires et dans les tourments; les spectacles
 cruels où ceux d'entre eux qui n'avaient pas été admis à la faveur
 de périr par le glaive, furent dévorés par des bêtes féroces. Entre
toutes les héroïques figures de ce drame terrible, brille d'un éclat
particulier une pauvre esclave, frêle et délicate jeune fille, sainte
Blandine; après d'indescriptibles souffrances supportées avec un
courage surhumain, restée la dernière et livrée aux attaques d'un
taureau furieux, elle quitta la vie sans avoir laissé échapper une
plainte.
   Il n'y a pas de doute que la fin du 11e siècle ne marque pour Lyon
païen l'apogée de l'épanouissement etle commencement du déclin.
La défaite d'Albin, le pillage de la ville par les soldats du vain-
queur irrité, la disgrâce impériale qu'elle avait encourue ne furent
pas les seules causes de sa décadence ; les causes véritables en
 sont plus profondes. La décadence de ce centre romain de la Gaula
n'est qu'un des nombreux symptômes de la sénilité du monde ro-
main. De quelque côté que nous tournions le regard, apparaît la
dissolution du colosse avec une effrayante évidence, et nulle force
 humaine n'eût été en état d'arrêter le progrès d'une décomposi-
tion depuis longtemps commencée sous les apparences d'une vi-
talité trompeuse. Des Africains, des Asiatiques, des Barbares de
l'LUyrie sur le trône des Césars; Rome et l'Italie dépeuplées, les
provinces appauvries; une armée composée de gens de toute na-
tion, sauf d'Italiens, une soldatesque sans discipline, sans patrio-