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CLAUDE DE RUBYS ET LA L I B E R T É DE T E S T E R 165 joug étranger, jouit de ce droit inviolable, qui n'appartient ni au fils placé sous la puissance de son père, ni à l'esclave sous celle de son maître, ni à la femme sous celle de son mari. C'est son arme à lui, c'est la conservation de sa souveraineté sans limites dans l'intérieur de ce petit royaume qui se nomme sa maison; c'est le signe vivant de son indépendance et de sa dignité. Peut-être en abusera-t-il :, n'importe; la loi ne se préoccupe point de corriger les excès d'une volonté qui doit être respectée à l'égal de la loi ; la jurisprudence favorisée par l'école stoïque parviendra seule plus tard, grâce à des moyens détournés, à s'emparer du testament pour l'interpréter, pour l'adoucir et Yhumaniser, lorsqu'il est trop manifestement injuste et rigoureux. Si vivace qu'il soit, l'empire romain n'est pas éternel. Les bar- bares arrivent et avec eux apparaît un courant nouveau. Les Germains ne connaissent ni l'immobilité ni la propriété ; pour eux le patrimoine est moins le sol qui se cultive que le butin qui se partage et le gibier qui se force à la course. L'homme, instrument de puissance matérielle, ne se survit pas à lui-même ; sa volonté d'outre-tombe n'est rien, ou plutôt c'est la contradiction, la néga- tion des droits de la famille, association purement physique qui a pour base une sorte de communauté de biens. Le testament est donc inconnu; la pensée du mort ne peut prévaloir contre les be - soins des vivants. Les peuplades d'origine germanique introdui- sent à leur suite, dans les contrées qui avaient fait partie de l'empire romain, ce profond dédain des derniers actes de l'homme couché sur son lit funèbre ; seulement elles se trouvent en présence d'un droit contraire, qu'il est politique de ne point.froisser. C'est le droit de la race vaincue qui garde et pratique la liberté de tester, c'est la loi romaine qui survit à Rome et qui a rencontré une protectrice inattendue dans une puissance nouvelle, dans l'Église, dont la main vient de marquer du signe régénérateur le front des fiers Sican:- bres, et qui pose hardiment sa croix sur totit ce qu'elle veut sauver du vieil empire. Grâce à l'Eglise, le testament dont le principe se rattache étroitement aux dogmes chrétiens de l'immortalité de l'âme et de la nécessité des oeuvres, le testament triomphe des ré- pugnances et des préjugés barbares; par les clercs du Midi qui le pratiquaient largement, puisque c'était une tradition romaine, il