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166                  LA R E V U E LYONNAISE
s'infiltre dans le Nord où dominait l'élément germanique, et, une fois
mporté dans ces contrées qui lui étaient d'abord hostiles,'il y
creuse profondément son sillon. Mais là il se heurte bientôt à un
nouvel adversaire qui, sans le proscrire, ce qui eût peut-être été
difficile, lui impose de lourdes chaînes et de nombreuses entraves ;
cet adversaire, on l'a déjà nommé, c'est la féodalité.
    Le régime féodal ne pouvait être favorable à la liberté testa-
mentaire. En admettant comme règle que toute terre relevait d'un
seigneur, il interdisait à tout vassal de disposer de son fief sans le
consentement de son suzerain. Eu posant pour principe que Dieu
fait l'héritier, mais non l'homme, il excluait absolument la faculté
que la législation de Rome accordait au testateur de choisir son
successeur. En instituant une aristocratie héréditaire, il se plaçait
dans l'obligation d'assurer, par tous les moyens, la conservation
des biens dans les mêmes familles ; il était forcément amené, pour
 maintenir l'influence, le pouvoir et la .splendeur de celles-ci, à
 créer le droit d'aînesse, la réserve coutumière, à prohiber l'aliéna-
 tion des biens héréditaires oudes propres, à exiger que les proprié-
 tés patrimoniales retournassent à la branche d'où elles étaient sor-
 ties, à empêcher même qu'on pût s'en dessaisir, si ce n'est en cas
 d'impérieuse nécessité, sans l'assentiment des héritiers du sang,
 des parents les plus proches. Aussi la volonté du père de famille
 ne peut s'affirmer que sous la forme du codicille: les terres qu'une
 génération a reçues de celle qui l'a précédée doivent demeurer à
 l'abri de toute atteinte; le testateur aura sans doute la faculté de
 disposer de ses meubles et de ses acquêts, il pourra même, en
 quelques lieux, transférer par testament le droit d'aînesse au puîné
  de ses fils ; mais ce droit dans son essence, et les réserves attri-
  buées par la loi coutumière aux enfants du testateur seront des
  principes d'ordre public que celui-ci n'aura pas la puissance de
  rompre ou d'éluder. Il devra les respecter, même lorsqu'il ira em-
  prunter au droit romain les substitutions fidéicommissaires, même
  lorsque les ordonnances royales et la jurisprudence des parlements
  auront un peu desserré les liens dont sa volonté est enchaînée et au-
  ront protégé en lui cette arme du testament, qui tempérait les ri-
  gueurs légales, qui tentait de réparer les injustices et les inéga-
  lités de la naissance, qui rehaussait l'autorité et la dignité pater-