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164                   LÀ REVUE LYONNAISE
 vée au point de vue de la disposition de ses biens. L'Orient, où Dieu
 plaça son berceau, l'Orient, qui fut le dépositaire des traditions pri-
 mitives, et semble avoir été chargé de garder au genre humain les
 titres de son origine, l'Orient l'enferme dans des castes jalouse-
 ment murées à l'instar des gynécées; il met sa puissance dans son
 immobilité et ne fait à sa liberté, comme à son activité, qu'une part
 effacée dans la direction de ses affaires privées. Laisser à la vo-
 lonté individuelle le droit de changer la distribution du patrimoine,
de modifier les canditions de l'existence pour la race, ce serait at-
 tenter au régime politique, à l'ordre public, ce serait briser l'œu-
 vre de la loi et des siècles. L'Orient n'abandonne à l'homme la
 acuité de tester qu'à regret : ce n'est pas un droit, c'est une fa-
 veur, une rare exception.
    Chez lepeuple juiLlapropriété estimmobilisée dans la famille;les
 mâles excluentlesfilles,parmiles mâles,l'aîné a unlot privilégié.C'est
àpeinesilepèrepeutdotersesfilles desonvivantou sur son lit de mort.
    A Sparte, le testament est proscrit, parce que la constitution de
Lycurgue proclame la communauté des biens. A Athènes, la suc-
cession paternelle n'appartient qu'aux fils, et après que Solon se
fut dégagé du fatalisme oriental en accordant à l'homme sans en-
fants le droit de disposer par legs de son patrimoine, on n'arriva
pas sans peine à reconnaître au père le pouvoir de déshériter ses
fils pour des causes déterminées et de fixer par testament le
chiffre de la dot due par ses héritiers à se s filles; toutefois, pour
conserver les biens dans la même famille, le défunt privé d'en-
fants mâles ne pouvait léguer sou patrimoine à celles-ci qu'en
chargeant un parent, de les épouser.
    Rome obéit à un autre ordre d'idées. Chez elle, le citoyen est un
souverain indépendant au sein de son foyer domestique. Maître ab-
solu de sa femme, de ses enfants, de ses esclaves, il est libre de
disposer de ses biens comme il l'entend ; il n'a d'autre devoir que
de se constituer un successeur, un continuateur de sa personne, un
héritier : s'il meurt ab intestat, il est déshonoré. Par conséquent,
il n'a pas seulement la faculté, il a l'obligation de faire un testa-
ment; c'est seulement par cet acte qu'il peut perpétuer son existence
morale et associer en quelque sorte l'immortalité de son nom à
celle de la patrie. Mais seul l'homme libre qui ne subit aucun