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                  LES S T A L L E S DE LA C A T H É D R A L E                       129

  nicipale intelligente et dévouée, laquelle demanda, plus d'une fois,
 à l'Etat de réserver l'église abbatiale, offrant de se charger de sa
 conservation. Mais l'Etat resta sourd à cette noble prière. Le 2 flo-
  réal an VI (21 avril 1798) l'ensemble de l'abbaye renfermée dans
 une enceinte particulière fut adjugée an citoyen Batonnarù, mar-
 chand à Mâcon, au prix de 2.014.000 francs. Ce dernier com-
 mença par faire enlever les décorations et les ornements inté-
 rieurs de l'église, les grilles, les belles boiseries et les stalles.
    Le maire de Cluny, assimilant ces enlèvements à une destruction
 de monuments frappée par la loi pénale, adressa plusieurs lettres au
 préfet qui en référa au ministre de l'intérieur : l'affaire traîna en
 longueur et les adjudicataires, las d'attendre une solution, finirent
 par exercer leurs droits. Après avoir dépouillé entièrement l'inté-
 rieur de l'église, ils en ouvrirent les murailles, coupèrent la nef en
 deux parties à peu près égales et firent passer une rue au travers.
 Toutefois la ville, dont le dévouement ne pouvait être lassé par au-
 cun obstacle, voulant conserver au moins, et à tout prix, le bâti-
 ment de l'abbaye, céda aux démolisseurs, par échange, le 2 ven-
miaire an X (24 septembre 1801) des prés et même sa halle estimés
 138.000 francs. C'est à cet échange qu'on doit la conservation
de l'ensemble des cloîtres, du jardin, de la chapelle des Bour-
bons, aujourd'hui classée parmi les monuments historiques, de
l'ancienne sacristie et d'une partie des clochers. L'Etat fit abattre,
au mois de juin 1811 le clocher gigantesque qui dominait le sanc
tuaire, ainsi que la voûte et les piliers. « Dans le mois suivant
soixante-quinze coups de mine eurentraison, dit un contemporain,
du clocher dit des Bisans. »
    C'est.ainsi que finit cette magnifique basilique, la plus vaste et
l'une des plus belles de la chrétienté, véritable chef-d'œuvre de
l'architecture romane. L'art regrettera éternellement ce splen-
dide monument, et s'il est tombé, l'administration municipale de
Cluny pourra dire au moins, et à sa gloire, qu'elle a fait tout ce qui


   i C'est bien ù tort que nos historiens modernes, se copiant les uns les autres, ont
accusé la municipalité de Cluny d'avoir détruit son abbaye, tandis qu'elle s'est imposé
les plus durs sacrifices pour la sauver. M. Théodore Chavotj ancien magistrat, a rec-
tifié -victorieusement cette erreur historique dans un mémoire qu'il a lu à l'Académie
de Màcon en 1868, et auquel j'ai emprunté quelques passages.
      FÉVR. 1881. — T. I.                                                    U