Revue lyonnaise » n°1 ( 1881 ) » pp.117

                       L E T T R E S DR V A L È R E                  H7
     Dès en entrant chez Savoye, Valère vit d'un coup d'œil qu'en fait
  de pratique des affaires, il n'en savait pas plus qu'entrant à Saint-
  Pierre en fait de projets d'architecture. Savoye l'envoya tout d'abord
  vérifier un compte de fourniture d'escalierpour une maison qu'il s'é-
  tait fait bâtir en rue Centrale. Valère, qui connaissait parfaitement
  le toisé géométrique, n'etaitau courantd'aucundes usages auxquels
 la tradition, dans chaque partie de la construction, oblige de se
 conformer. On ne lui avait non plus rien appris des lois et usa-
 ges de la contiguïté. A peine savait-il ce que c'est qu'un mur mi-
 toj'en. Plus tard, au contraire, il devait pousser loin ses études en
 ces matières. Il est' à remarquer combien tout le monde s'était
 trompé sur son compte. On lui avait attribué de grandes facultés
 d'imagination, dont il n'avait aucune. On avait prédit qu'il ne serait
 bon qu'à faire de l'ornement, de l'archéologie, et son cabinet a été
 l'un de ceux où l'on s'est le plus occupé d'affairescontentieuses. Ce
qu'il a fait en architecture, s'il vaut quelque chose, loin de valoir
par l'abondance et l'invention, ne vaut que par l'extrême sobriété,
la recherche du très simple et l'amour de la netteté.
   Savoye, à ce moment, n'avait presque aucuns travaux et donnait
du bon temps à son employé. Il l'envoyait volontiers au théâtre, que
Valère aimait passionnément, et où il allait presque tous les soirs.
Seulement, comme ses parents se couchaient de bonne heure, et
tenaient à ne pas se coucher qu'il ne fût rentré, il n'entendait que
le premier et quelquefois le second acte des pièces, et il était tou-
jours à la maison avant neuf heures, neuf heures et demie, moment
où il commençait de travailler pour lui. Ce ne fut qu'à l'âge de
trente ans et marié, que, pour la première fois, il vit la fin d'un
opéra. Montant aux quatrièmes, dont la place coûtait alors douze
sous, et revendant sa contremarque, il prenait alors de la musique
pour quatre à six sous par jour, en moyenne
                                          NlZIER DU PtTITSPELU.