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             UNR M Y S T I F I C A T I O N    SCIENTIFIQUE                                53
    M. Brugsch. a dû être bien fier j'imagine, d'avoir été érigé ainsi
 d'office en collaborateur de M. Jacolliot.
    Les observations qui précèdent sur les connaissances etla méthode
 de l'auteur des Fils de Dieu ne sauraient donner le change,
je l'espère, sur mes intentions et mes opinions. Rabaisser les études
 sanscrites ne serait ni dans mon rôle, ni dans la vérité. Ces études
 offrent à la science moderne un champ vaste et fécond. Par elles
 on plonge plus loin qu'on n'avait pu le faire auparavant dans les
 origines delà civilisation indo-européenne, dont le nôtre est la con-
 tinuation ; par elles on a fondé cette science merveilleuse et toute
récente de la grammaire comparée ; la philosophie qu'elles nous dé -
voilent est d'une profondeur qui n'a pas été dépassée ; la littérature
qui s'y rattache a des parties qui soutiennent le parallèle avec les
morceaux les plus achevés de l'antiquité classique ; enfin, elles nous
mettent en présence de la complète évolution d'un peuple qui a
 vécu sur lui-même et ne doit pour ainsi dire rien à personne, au
triple point de vue de «a manière d'être intellectuelle, morale et
 sociale. Voilà leurs titres ; ils valent bien les parchemins falsifiés
sur lesquels M. Jacolliot a si singulièrement tenté d'établir leur
noblesse.
    Mais ce que j'ai surtout eu l'intention de montrer en mettant à
jour les erreurs inconscientes ou voulues de M. Jacolliot, c'est que
le jardin où poussent les fruits d'or du vrai savoir ressemble à
celui des Hespérides : il est lointain et bien gardé. Pour l'atteindre
il faut entre autres vertus natives, haute conscience, volonté ferme
et grand courage. C'est à ce prix qu'on en cueille les palmes, celles
dont, en ces derniers temps et pour ne pas sortir du domaine de
l'indianisme, les Bopp, les Burnouf, les Max Miiller ont fait la glo-
rieuse conquête. Quant à ceux qui, dépourvus de vocation et de
 persévérance, piquent les pommes du verger voisin au bout d'un
échalas et nous présentent le tout comme un rameau de l'arbre de
 science, certain geai fort connu des fabulistes est un exemple du
 sort auxquels ils s'exposent et qui les attend un jour ou l'autre.
                                              ' PAUL REGNAUD.
                                      Maître de conférences à la Faculté des lettres'de Lyon