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52                   LA REVUE LYONNAISE
des Lois de Manou qu'il emprunte, comme de coutume, à la tra-
duction de M. Loiseleur Deslonchamps, liv. XI, 265 :
   « La sainte syllabe primitive composée de trois lettres (a u m),
dans laquelle la triade védique est comprise, doit être gardé se-
crète comme un autre triple Véda. Celui qui connaît la valeur mys-
tique de cette syllabe connaît le Véda. »
   « Il serait difficile, ajoute M. Jacolliot, de rencontrer un texte
plus formel ! » Il feint de croire effectivement— car il est impossi-
ble d'attribuer ce cri de victoire à une erreur sur le sens de mots
aussi clairs — que la « triade védique » signifie la Trinité, —- un
groupe de trois dieux, — tandis qu'il s'agit, comme le montre expres-
sément, à côté des termes même de la traduction, le texte sanscrit
(brahmatrayî), des trois livres védiques plus spécialement cano-
niques, c'est-à-dire le Rik, leYadjus et le Sâina Veda.
   Mais voici qui dépasse comme logique tout ce qu'on peut imaginer
de plus audacieux. Voulant prouver que l'ancien égyptien dérive
 du sanscrit, M. Jacolliot cite comme témoignage concluant le pas -
 sage suivant du Dictionnaire des hiéroglyphes de M. Brugsch :
    « 11 est évident pour moi, dit le savant professeur Brugsch, que
 la langue des anciens Egyptiens a sa racine dans le sémitique. On
 peut prédire que la philologie sera un jour étonnée de l'étroit lien
 de parenté qui rattache la langue égyptienne à ses sœurs sémiti-
 ques, et du fait positif que toutes ont une mère commune dont on
 doit chercher le siège sur les rives de l'Euphrate et du Tigre. »
    « Le sanscrit ! » — ajoute non moins triomphalement que tout
 à l'heure M. Jacolliot, avec l'aplomb de Sganarelle (auquel il
 nous ramène toujours), s'ecriant : Et voilà pourquoi votre fille est
 muette ! — « L'Egypte a été colonisée par l'Inde, preuve par la
 langue ! »
    Comme si M. Brugsch avait pu avoir en vue l'Inde en parlant du
 Tigre et de l'Euphrate, et le sanscrit à propos des langues sémiti-
 ques.
    N'oublions pas du reste le petit artifice typographique auquel à
 eu recours M. Jacolliot dans la circonstance. Il a pris grand soin
 de rattacher étroitement à la citation précitée la conclusion qu'il
 en tire et d'inscrire au dessous du tout la mention : Dictionnaire
 des hiéroglyphes. (Introduction).