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                             BIBLIOGRAPHIE .                            2
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   Mais un autre danger plus réel ne tarda pas à menacer l'Allemagne :
elle faillit perdre sa langue. Les moines irlandais et anglo-saxons, qui
gagnèrent la Germanie au christianisme du côté de l'ouest, comme
Ulfilas l'avait conquise à l'est, se servaient de la langue latine, et sous
leur influence, cet idiome tendit à remplacer l'allemand. Si le plus
ancien poème de l'Allemagne, YHéliand (le Sauveur), est composé en
dialecte saxon, c'est-à-dire en langue allemande, le célèbre archevêque
de Mayence, Raban Maur, auquel on attribue entre autres le Veni
Creator, écrit en latin. C'est encore en latin que Rotswitha, la reli-
gieuse de Gandersheim, a écrit ses comédies, et qu'Eginhard, Nithard
et le moine de Saint-Gall ont raconté, dans leurs chroniques, les hauts
faits de Charlemagne.
   Certains critiques ont encore soutenu que ces productions en langue
latine n'auraient pas dû prendre place dans une histoire de la littéra-
ture allemande. M. Heinrich a pensé différemment, et avec raison ce
nous semble. Une histoire de la littérature allemande est, en effet,
une histoire des œuvres littéraires des Allemands et non pas une his-
toire de la langue allemande.
    L'idiome national ne tarda pas, d'ailleurs, à reprendre ses droits. C'est
en allemand que les Minnesingers chantent l'amour et la chevalerie
du xn e au xive siècle. Ici encore quelques Allemands protestent contre
l'invasion étrangère. Ne pouvant nier l'influence que le christianisme
a exercée sur les Minnesingers, ils soutiennent que cette influence a été
mauvaise; et de même qu'ils ont rejeté de leur littérature les œuvres
latines écrites par des Allemands, ils rejettent la chevalerie parce qu'elle
leur semble venir de l'étranger. Ils soutiennent que la chevalerie n'eut
jamais en Allemagne qu'une vie factice et ne répondit pas aux véri-
tables aspirations du caractère national. C'est encore une erreur : n La
chevalerie est alors le fait universel du monde chrétien; n on n'a qu'à
lire l'histoire des Croisades pour s'en convaincre.
  Les Minnesingers, qui interprètent les poèmes de cette époque et
souvent les composent, sont des chanteurs recrutés en général parmi
la petite noblesse. La plupart sont fort illettrés ; quelques-uns même
des plus célèbres, Wolfram d'Eschenbach et Ulrich de Liechtenstein,
ne savent pas lire; ils se forment, par un enseignement oral, dans des
écoles de chanteurs, qui ressemblent aux écoles de rhapsodes de la
Grèce.