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LUTHERIE N l'an de grâce 1900, existera-t-il encore quelques amateurs de musique ? Je crains bien que d'ici-là le gaz, les chemins de fer, la vapeur et la dyna- mite n'aient fait de nous un peuple de machines. Une charmante vignette de Granville, un arriéré, représente un orchestre mis en action par une seule main tournant un robinet et distribuant la force motrice à des exécutants de métal ; ces exécutants ne sont autre chose que des tubes de fonte parfaitement articulés, ayant une apparence de forme humaine et se servant de tous les instruments con- nus aussi bien que des êtres vivants. Ne rions pas de cette charge, un jour elle se réalisera ; le triomphe du calcul et de la mécanique approche. Quand la nuit n'aura plus de mystères, quand il n'y aura plus sur le globe un hameau ignoré où l'on puisse vivre en paix, quand tous les rangs, tous les idiomes, tous les costumes seront soumis à l'uni- formité, comment l'art pourrait-il subsister? L'art qui vit de contrastes! Quel oasis pourra abriter le musicien contre le grincement des locomotives, et la vibration agaçante des