Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
142        LES VOYAGES DE MADAME DE SÉVIGNÉ

« autre monde, mais on ne laisse pas de se souvenir de ses
« amis. » Dans une lettre antérienre du 25 avril, écrite de
Paris à la comtesse de Guitaut, Mme de Sévigné a déjà parlé
des calamités publiques et privées dont elle avait hâte de
fuir le spectacle en allant en Provence : « Comme j'aime
« cette campagne de Grignan, et le château et le pays, et
« le repos qu'on y trouve, je me suis résolue d'aller me
« mettre à couvert pour quelque temps, jusqu'à ce que
« l'orage qui nous accable ici de toute part soit un peu
« passé. J'ai perdu mes deux premières amies, Mme de
« Lafayette et Mme de Lavardin. Pour le chevalier de
« Grignan, il est sur le point de manger du pain de feuilles
« et de fougères, n'ayant au monde qu'une pension
« de'Menin qu'on ne lui paie plus. » Elle se plaint ailleurs
 « de n'avoir plus que « de mauvaises terres qui deviennent
« des pierres au lieu d'être du pain. »
   Au cours des années 1693 et 1694, la misère était grande
dans le Royaume. Une vraie famine sévissait par le fait des
mauvaises récoltes et aussi de la mauvaise politique du Roi
privé de ses ministres, dont la mort avait marqué le déclin
du règne. « Les efforts du gouvernement, dit M. Henri
« Martin parlant de 1693, ne portèrent qu'un faible et
« tardif remède à la disette, qui engendra de cruelles épi-
« démies, suite ordinaire de l'épuisement populaire. On
« prétend (sans doute le chiffre est exagéré), qu'il mourut
« cette année à Paris 96,000 personnes. »
  Dans les provinces, les maux n'étaient pas moindres. A
Lyon, en 1693, le blé valait 10 francs le bichet.Le nombre
des métiers était tombé de 10,000 à 3,500 (15). Le 17 mai


  (15) Péricaud. Notes et documents, 17 mai 1693.