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22 LES VOYAGES DE MADAME DE SEVIGNE « gnon. Faut-il que j'y pense moi, présentement? C'est le « malheur des commerces si éloignées ; il faut s'y résoudre. « Je vous épargne mes éternels recommencements sur ce « pont d'Avignon : je ne l'oublierai de ma vie. » L'incident du pont d'Avignon fit le tour des salons et de la Cour; la mère transmet à sa fille, à ce sujet, les compli- ments des plus grands personnages, entre autres de l'évêque de Condom, du grand Bossuet, qu'elle a fait transir sur le récit de l'aventure. Mme de Sévigné quitta elle-même Paris le 13 juillet 1672, dix-huit mois après sa fille, pour aller la rejoindre en Pro- vence. Son voyage d'abord arrêté pour le mois d'avril, fut retardé de trois mois, par la maladie et la mort de sa tante, Mme de la Trousse, qu'elle aimait tendrement et qu'elle ne voulut pas quitter avant de lui avoir fermé les yeux. Ce retard fortuit, en prolongeant la séparation de la mère et de la fille et leur commerce par lettres, donna l'occasion de voir le jour à plusieurs des morceaux les plus admirés de la correspondance. Le Roi venait de déclarer la guerre à la Hollande. Il partit le 28 avril pour aller rejoindre l'armée qui avait à sa tête Condé et Turenne, et dans ses rangs tout ce que la noblesse de France comptait de plus illustre. Mme de Sévi- gné, mêlée par ses relations à toutes ces familles, inquiète elle-même pour son fils, officier dans l'armée avec le grade de guidon des gendarmes du Dauphin, était très bien ren- seignée sur ce qui se passait à la frontière et tenait sa fille au courant dans ses lettres nombreuses à cette époque. Elle fait le récit des événements jusqu'au fameux passage