page suivante »
298 BIBLIOGRAPHIE le couronnant, l'Académie française, en ont suffisamment constaté le mérite ; mais il fallait le mettre au courant des travaux les plus récents, c'est ce qui a été fait. Ajoutons que cette seconde édition fait partie de la bibliothèque de la Faculté des Lettres de Lyon. En prenant part ainsi à la publication de la plus importante des œuvres de M. Heinrich, la Faculté des Lettres de Lyon a voulu honorer l'homme éminent qui fut longtemps à sa tête comme doyen. Le volume qui vient de paraître comprend l'histoire de la littérature allemande depuis ses origines jusqu'à l'époque moderne, c'est-à -dire depuis le iv<= siècle de notre ère jusqu'au XVIIF siècle. C'est la partie la moins connue, mais non la moins utile à connaître, car elle contient en germe tout le développement littéraire qui a suivi. Après avoir lon- guement étudié et admiré Gœthe et Schiller, on s'est mis à étudier avec plus d'attention cette première période, et les arts, la peinture, la musique, non seulement en Allemagne, mais ailleurs, même en France, s'en sont inspirés de plus en plus. M. Heinrich fait remonter la littérature allemande et par cela même sou histoire à la traduction de la Bible en langue gothique faite par Ulfilas au iv= siècle. Descendant de parents grecs que les Goths avaient emmenés dans une de leurs invasions, sacré évêque à l'âge de trente ans, Ulfilas a assuré le triomphe du christianisme chez ce peuple encore barbare et fixé la langue des Goths, c'est-à -dire le vieil allemand, en en perfectionnant l'écriture. Jusqu'à lui, cet art, encore informe, était demeuré le privilège de quelques initiés ; il le compléta au moyen de caractères grecs, et en fit, en le vulgarisant par sa traduction, un puis- sant instrument de propagande religieuse et de civilisation. L'écriture ayant été donnée à la Germanie par un évêque, il en est résulté qu'elle a servi à conserver principalement les livres chrétiens, et que les vieux chants nationaux ont disparu. A peine en reste-t-il quelques débris, copiés par des moines du Moyen Age. A propos de cette disparition, M. Heinrich examine une question fort curieuse, soulevée en Allemagne. Plusieurs auteurs allemands regrettent l'in- fluence exercée par l'Eglise et l'Empire romain sur la civilisation de leur patrie; ils prétendent que leur pays, laissé à son propre génie, aurait eu un développement spontané plus original et plus riche. M. Hein- rich fait justice de cette prétention ultrapatriotique ; l'Allemagne, sui- vant lui, n'a rien perdu à être devenue chrétienne et y a beaucoup gagné.