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              LE PROCÉDÉ MUSICAL DE R. WAGNER                     445

«   peine de n'être pas compris ou de l'être trop (6). L'oreille
«   nous conduit, et nous subissons bon gré mal gré la
«   tyrannie de l'habitude      La route du compositeur est
«   donc difficile et tracée de telle sorte qu'il marche sans
«   savoir où il va. »

   A cela nous n'opposerons que cette simple question :
Est-ce au poète à suivre la foule ? Quand vous raisonnez
ainsi, vous ignorez ou vous avez oublié totalement ce qu'est
la notion de l'art. Le rôle de l'artiste consiste-t-il à se faire
l'esclave de la mode, et a en subir les caprices ; ou bien
a-t-il pour mission d'imposer sa vue plus claire de l'idéal à
la foule inconsciente et mobile qui l'admire ? Tout le monde
vous dira^ et avec raison, que l'homme de génie a pour
fonction de frayer les sentiers où il invite le public à le
 suivre, et personne n'osera soutenir que son devoir est de
promener la Muse sur les pistes battues par la vulgarité qui
est la mode, car rappelons-nous ce mot de Mendelssohn; il
faut fuir tout ce qui est bas, trivial et vulgaire.


   Passons maintenant à la suppression de tout accord par-
fait avant la cadence finale de l'acte. Cette suppression
entraîne forcément celle de toute harmonie consonnante,
et bannit du domaine de la musique l'expression des senti-
ments calmes. Or l'action dramatique elle-même ne doit
pas être mutilée de parti pris, ni déformée dans sa liberté
de conception et d'allure. Pourquoi n'exprimerait-elle exclu-
sivement que des sentiments violents ? Par opposition, par


  (6) Il me semble voir se dresser l'ombre de Wagner pour protester
avec nous contre une semblable allégation. Vous avez donc oublié le
mépris avec lequel Wagner et son école parlent des théâtres de la mode.
        N° 6. —Juin i8S8.                                       29