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12 PAUL HUMBLOT — « Paul Humblot ne parlait jamais d'eux sans avoir les larmes aux yeux, et une année plus tard ce grand décou- ragé plaidait à Dijon un procès de séparation de corps qui fut célèbre, contre un avocat venu de Paris et alors dans tout l'éclat de son magnifique talent. Il fit pleurer ses juges, et entendait en sortant victorieux de l'audience, de la bouche de son illustre adversaire vaincu, une de ces paroles que l'on n'oublie pas : « Mon jeune confrère, vous serez un grand avocat ; c'est Chaix d'Est-Ange qui vous le dit (2). » — Chaix d'Est-Ange avait prédit juste. On rencontre plus souvent qu'on ne le croit dans les Bar- reaux de province, parfois même dans l'obscurité des plus petits Tribunaux, de ces hommes éminents que la hauteur de leur parole ou de leur pensée réservait aux plus flat- teuses récompenses. Un jour, confiant dans la fortune qui aime les intrépides, ils n'auraient eu qu'à quitter le ca- binet d'études où s'enfermait tout leur passé, à partir pour la grande ville, la grande tentatrice. Il semble que là seulement les esprits surchauffés par la lutte, bronzés par la mêlée atteignent le degré supérieur de leur valeur et de leur énergie. La familiarité des belles choses, le frôlement des plus illustres génies, l'émulation, la rivalité, l'exemple fécondent les rêves, fouettent les ambitions, obligent à toujours marcher en avant; car la curiosité publique oubliant déjà l'œuvre d'hier est sans cesse attentive à celle de demain. C'est bien là Tardent foyer, la vaste fournaise dont tous les yeux au nord et au midi suivent la lointaine lueur. Et c'est aussi la patrie des aventures et des surprises, des célébrités faciles et des (2) M. S. Genton (éloge d'Humblot prononcé à l'ouverture de la Conférence des Avocats. 1882).