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LE PROCÉDÉ MUSICAL DL R. WAGNER 447 esthétique, des formes grecques, et du sentiment de pro- portion et d'équilibre qui en découle, sentiment dont le génie allemand contemporain se soucie fort médiocrement. Je ne sais pas trop ce que nous gagnerions à refaire l'édu- cation de nos artistes au sens étroit de l'évolution des Ger- mains du Nord, et je vois bien ce que nous y perdrions en grâce, en clarté, en formes raisonnables et raisonnées, en expression réglée par la justesse et ennemie de l'enflure et de l'exagération, qu'on ne pourra jamais nous faire prendre pour la grandeur et pour la noblesse. A la fin du Moyen Age, la Renaissance en prenant pos- session de l'Europe, trouva la civilisation romane bien plus prompte a s'assimiler les idées grecques et latines que les peuples d'origine germanique ; car ceux-ci, à aucune épo- que de leur histoire, n'avaient subi l'influence antérieure de ces idées. Voilà sans doute pourquoi nous sommes vive- ment choqués des défauts de proportion que l'on rencontre si souvent dans les œuvres d'Outre-Rhin, lorsque l'in- fluence latine ne les a pas éclairées et épurées, comme elle a éclairé et épuré l'œuvre de Mozart, d'Haydn, de Bee- thoven et de Mendelssohn. Jusqu'à Schumann, l'art musical revêtait un certain caractère d'universalité qui en faisait la langue commune à la société européenne. Mais Schumann, épris de l'orgueil de l'idée allemande, a tenté de faire de la musique un art particulariste Allemand, et il a cherché à lui conférer le cachet exclusif et le reflet de la personnalité germanique, soit par ses ouvrages de polémique, soit par la manière dont il traita lui-même ses œuvres musicales. Certes, Mozart, Haydn, Beethoven et Mendelssohn sont des compositeurs bien allemands, mais ils ont fondu les