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i88 DU BON SENS tous les jours. Ici, pour peu que les affirmations soient justes, elles auront du mérite., car les périls d'erreur sont nombreux. En tout cas, les risques de contradiction sont certains. Quand psr exemple je dis : « Cet homme, dans telle cir- constance, a été un sot », j'énonce assurément un jugement du bon sens, mais combien seront d'un autre avis que moi ! La sottise n'est pas quelque chose de tellement simple quJil soit facile de la déterminer : ce qui est sot chez l'un peut être sage chez l'autre ; ce qui était sot hier peut devenir sage demain. Les multiples et divers éléments dont se com- pose la sottise ne se présentent pas avec une égale netteté à toutes les intelligences, et l'on a, de plus, à en faire l'ap- plication à un cas particulier. Pour avoir le droit de pro- noncer ces quatre mots en apparence si simples, il ne faut rien moins que connaître à fond ce qui en général constitue la sottise, et ce qui eût constitué en particulier la sagesse pour la personne en question, dans les circonstances où elle se trouvait. Qui peut bien répondre de savoir tout cela ? Le souverain d'un grand pays paie une œuvre d'art, un tableau par exemple, un prix énorme, plusieurs cen- taines de mille francs. Il ne manquera pas d'esprits étroits — ou médiocres, c'est tout un — pour s'écrier : « Quelle sottise ! on ne fait pas cette dépense pour un carré de toile, même recouvert de couleurs. » Les esprits larges, élevés, supérieurs en un mot, verront au contraire dans cette acquisition un encouragement donné aux artistes et l'intérêt de l'art lui-même, ils considéreront l'importance de la culture artistique dans une nation, et ils diront avec bon sens : « Le tableau n'est pas grand, mais de l'aveu de tous les connaisseurs il est beau ; notre souverain a bien fait, »