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298 IMPRESSIONS DE VOYAGE Bouches du Rhône d'abord, et presque tous les hommes influents de Marseille, ont si bien compris l'avenir certain réservé à ce port naissant qu'ils ont mis tout en œuvre pour l'étouffer dans son berceau. Je ne me permettrai pas de juger cette conduite, mais je doute fort qu'ils réussissent. Toujours est-il, et, comme preuve à l'appui de ce qui précède, que lorsque l'heure du retour avait sonné, et que je m'acheminais vers le port d'embarquement, je fus surpris autant qu'ému, de voir s'avancer un cortège funèbre, précédé du desservant qui accompagnait jusqu'au ponton, une jeune morte de douze ans. Les parents sui- vaient en pleurs et de jeunes écolières, ses compagnes, fer- maient la marche. La bière, recouverte du drap mortuaire, et d'une cou- ronne blanche fut déposée sur le pont, du navire, et la pauvre famille s'en retourna, tristement au logis, avec la douleur de ne pouvoir suivre plus loin cette chère dé- pouille, et le regret d'être privée les jours suivants, d'aller pleurer sur son tombeau. Tout cela, parce qu'il n'y a pas même un cimetière à Saint-Louis ! Vancre levée, un violent vent du sud facilita singulière- ment la marche du Laboureur, c'était le nom de notre bateau, à tel point, qu'il lui suffit de quatre heures, comme le matin, pour franchir les quarante-deux kilomètres qui séparent Arles de Saint-Louis. Mais, la physionomie du voyage s'était sensiblement modifiée. Ce n'étaient plus des caisses, des instruments aratoires qui encombraient le pont ; c'étaient des volatiles de toute espèce ; des troupeaux de mou- ' tons dont l'embarquement donnait lieu aux incidents les plus récréatifs; des caravanes de chevaux qui traversaient