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LE DERNIER LIVRE D'ALPHONSE DAUDET 'AI connu M. Alphonse Daudet, il y a bien long- temps, quand il était un tout jeune homme, un collégien de seize ans. Je le vois encore à travers de lointains souvenirs, aimable et spirituel adolescent, petit de taille, un peu féminin de visage et de tournure, avec des yeux très doux, où pourtant s'allumait parfois une lueur de gaminerie narquoise. Je ne sais si personne pré- voyait dès lors le grand talent qui depuis s'est révélé en lui; mais sa vive intelligence, son esprit fin et original frappaient déjà ceux qui l'observaient avec une attention affectueuse. Evidemment ce n'était pas le premier venu ; il était fait pour percer, pour marquer sa place, on pouvait pour lui compter sur l'avenir. Malheureusement le présent était triste; plus triste que ne le soupçonnaient ses maîtres et ses camarades. Chassés de leur petite ville de Provence par des revers de fortune, ses parents habitaient une rue noire de la noire ville de Lyon. Il fallait que l'enfant gagnât promptement sa vie ; aussi, à peine sorti de rhétorique, on le plaça comme surveillant au