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                L'Å’UVRE DE PIERRE DUPONT                 375

la vieille et saine langue, dédaigneux de ces sonnailles dont
on essayait déjà de charger notre littérature, avouons entre
nous que, s'il n'avait trahi de ci, de là, quelque velléité de
révolte, il n'eût pas été complètement Lyonnais !
   Il est encore un trait qui le fait bien nôtre : c'est son
amour pour les choses du travail et les gens de métier. En
dépit de sa nature contemplative, le Lyonnais, même!
pourvu de la grande aisance qui assure le repos et les loi-,
sirs, même voué aux études purement intellectuelles, même
poète, ne se désintéresse jamais de ce qui touche à l'artisan,
de ses besognes modestes, de sa vie intime. Pas de fils de
l'industrieuse cité, qui ne se sente rattaché à ce milieu par
quelque fibre secrète.
   L'œuvre entier de Pierre Dupont reflète ce sentiment, et
les chansons spécialement dédiées à certains travaux sont
dans toutes les mémoires.
   Avec quel soin minutieux il expose les diverses opéra-
tions du métier qu'il chante ! avec quel amour il en suit
les péripéties ! Comme il saisit bien ce que chaque tâche
réserve aux travailleurs de soucis, de peines ou de satisfac-
tions professionnelles! Et cela, sans un cri amer, sans
une parole de basse envie; partout perce cette joie que
donne le travail accompli, et particulièrement le travail de
peine, parce qu'il représente une soumission plus étroite i.
l'éternelle loi : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton
front. »
   Il serait facile d'abuser des citations : que cinq ou six
suffisent. Voici le tisserand, condamné à travailler dans les
lieux humides et sombres. Il a cueilli, dans son enfance,
les chènevottes; plus tard, battu l'étoupe et tourné la roue
chez un cordier; tisserand, « tant qu'à Dieu plaise », il
jalouse l'araignée qui tisse en l'air et n'a pas besoin de