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330 SALLUSTE elle en a le fini et le suprême bon sens. On lui a reproché même de son temps ses archaïsmes et non sans raison. Pourquoi vouloir retenir les formes de langage que l'usage abandonne? Toutefois, comme les contemporains ont vanté l'élégance de Sailuste, il est permis de croire que les formes employées par lui n'avaient point autant vieilli qu'elles le paraissent. Un autre cachet du style de Sailuste, c'est un air de hau- teur et de fierté qui se trahit par la grandeur de l'expression et par la dignité de la phrase. Cet air tient, sans doute.au tour d'esprit de l'auteur, mais il s'explique aussi par un sentiment fortement prononcé d'orgueil national. Quand Rome était devenue le centre du monde, quand, chaque jour, de nou- veaux triomphateurs montaient au Capitole ; quand les chefs des nations étrangères venaient, à la porte du Sénat, mendier la permission de régner ; quand la majesté du diadème se courbait devant cette devise : Senalus populusque romanus, on conçoit que la langue d'un historien de Rome devait con- tracter quelque chose de cette arrogance souveraine. Après avoir signalé les qualités de premier ordre de Sailuste, il nous semble inutile de parler des petits défauts qu'on peut lui imputer. Cependant, nous nous permettrons d'en relever un seul qui ne paraît avoir été observé de per- sonne. C'est la manière incomplète et nue dont se terminent les deux narrations qui sont arrivées jusqu'à nous. Par une singularité remarquable, la guerre de Jugurthaet la conjura- tion de Catilina viennent finir dans la prison mamertine. Il n'est aucun visiteur de la ville éternelle qui ne connaisse ce sombre monument des justices sommairesde Rome. Sailuste le décrit, dans Catilina, comme il sait le faire, en quatre mots, avec une énergie de couleurs qui ne laisse rien a désirer. Mais les émouvantes péripéties de la scène suprême