Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                            SALLUSTE                       325
  est la fortune littéraire qui accompagne la mémoire de cet
  historien.
    Avouons-le pourtant, en mutilant ses œuvres, le temps a
 plus nui aux lettres qu'a Salluste lui-même. Si l'Histoire de
 Rome depuis Sylla eût échappé au naufrage, nous posséde-
 rions un trésor inappréciable sans doute, mais la gloire de
 l'écrivain n'en serait pas notablement accrue. Les simples
 fragments que nous avons de lui suffisent pour l'élever au
 rang des plus illustres maîtres.
    Ce qui constitue le grand écrivain, ce n'est ni le nombre,
 ni l'ampleur des volumes, c'est l'originalité du génie, la
 richesse des idées, la beauté de la forme. L'opuscule des
Pensées a fait la renommée philosophique de Pascal. Par le
livre Des Caractères, La Bruyère s'est placé au premier rang
de nos prosateurs. Quand Bossuet n'aurait écrit que son
Discours sur l'Histoire universelle, il n'en serait pas moins
le plus grand écrivain du grand siècle. De même, les deux
courtes narrations de Jugurlha et de Calilina avec les deux
Lettres à César renferment toute la puissance littéraire de
Salluste; on y retrouve toutes les qualités du maître, sur
lequel se forma Tacite. Ce ne sont que des fragments, comme
le dit M. Olivier, mais ces fragments donnent une haute idée
de l'ouvrage dont ils (ont partie. Ce ne sont que des débris,
mais débris qui laissent deviner un monument grandiose.
   Et en ce point, les appréciations des modernes critiques
comme Gérard Vossius, Saint-Evremond, l'abbé Cassagne,
Rollin, de Brosses, Laharpe, Dussault ne sont que l'écho de
l'admiration des anciens.Vélleius Paterculus appelle Salluste
lerivalde Thucydide, et il le place au-dessus de Tite-Live (1).


  (1) .Emulum Thucydidis Sallustium consecutus Livius.
(Lib. II, c. xxxvi.)