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                                 POÉSIE



                               LE PEINTRE

 Je vous l'ai dit: je fais aussi quelques figures.
 Regardez ce portrait.

                             DAME ROSALIE

                       Ma fille! en vérité?
Florestine?.... Ah! Monsieur, c'est trop de liberté.
Vous deviez respecter une enfant sans défense
Ou m'épargner l'horreur d'un soupçon qui l'offense.
J'en éprouve dans l'âme un chagrin très-profond.
Ce portrait en vos mains m'étonne, me confond.
Songez que je suis pauvre, et pourtant respectée.
Si Florestine, hélas ! cet hiver, m'a quittée,
C'est qu'on peut, à son âge, aux lavoirs de Menton,
Gagner quatre fois plus que dans notre canton ;
Mais ma fille est honnête, et je veux qu'on l'estime.

                              LE PEINTRE


Votre indignation serait trop légitime,
Si de la pauvre enfant j'avais sollicité
L'imprudente faveur d'exprimer sa beauté.
Non, pure comme hier, à ses devoirs fidèle,
Je l'ai peinte en secret, sans être connu d'elle.
Vous savez qu'à Menton les femmes, tout l'hiver,
Etalent, près du port, laine et toile au grand air :
C'est là que l'ai vue, innocente et sauvage,
Foulant de ses pieds nus les cailloux du rivage,
A tous les vents marins ses blonds cheveux livrés,
Et chaque jour plus belle à mes yeux enivrés.
Enfin je lui parlai, mais avec retenue,
Comme un indifférent qui ne l'aurait point vue,
Pour qui tout est nouveau sous un ciel étranger
Et dont la bouche encor ne sait qu'interroger.
Elle m'apprit alors, mais sans oublier l'heure,
Tout ce que j'ignorais, son nom, votre demeure,
Vos chagrins, son départ....