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                        VICTOR DE LAPRADE                      163
         — J'étais à peine un rêve avant d'être chrétienne.

        Vous m'aimez ! après Dieu, vous m'avez donné l'être.
        — Vous m'avez arraché, dans ma profonde nuit,
        Au sombre esprit du mal qui seul m'aurait conduit.
        Et, des hôtes méchants de la forêt impure,
        Vos yeux m'ont préservé bien mieux que mon armure.
        — Ce que j'ai de beauté me vient de votre amour.
   Et portés sur les ailes de l'extase, ils visitent tous deux
la tour, les bois, les vergers, les prairies, parfois s'attar-
dant à goûter les fruits délicats permis a la pure tendresse,
parfois laissant leur âme, perdue dans des pensées sublimes,
s'élancer jusqu'aux cieux.
    Ce couple allait ainsi, gai, souriant, austère,
    Tantôt perçant le ciel, tantôt rasant la terre ;
    Comme aux jours de l'Eden, le premier couple humain,
    Ils glissaient dans les fleurs en se tenant la main,
    La vipère infernale expirait sur l'entrée ;
    Car la croix dominait cette chaste contrée. »

   Combien moissonnèrent-ils de ces fleurs idéales dans ce
jardin de délice? Quel temps la Tour les garda-t-elle dans
son enceinte enchantée? Peut-être une heure, un jour, des
années entières.
   « Le temps ne compte pas ces heures fortunées ;
   Entre deux cœurs heureux qui s'aiment librement,
   Les jours, l'éternité ne durent qu'un moment. »

  Dans un enivrant oubli, ils auraient épuisé la leur bon-
heur, si l'ange n'eût rendu sa bonne lance au chevalier.
  — Quoi ! déjà partir !
  — La vie est un devoir.
  — Consumons noire amour dans ces beaux lieux.
 — « La vie est un combat ; ici l'on se repose.
   Sur ce Thabor d'un jour on se métamorphose,