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                       VICTOR DE LAPRADE                           i"&9

    Ils se tenaient tous deux, charmés de cette étreinte, et
 craignant qu'un mot y mît fin.
          Mais le cœur te plus pur ne pouvait s'y tromper ;
          Au dangereux silence il fallait échapper.

  — Chevalier, j'entends au loin le son de XAngélus. S'il
vous plaisait de prier avec moi ! Faite à deux, la prière est
meilleure.
 — Prions !
  Le chemin était long. Le chapelet dit, la dame proposa
de le recommencer. Ce que l'on fit jusqu'à l'entrée d'un
chemin droit et ouvert.
          — Chevalier, vous voilà tiré du labyrinthe.
          — Sitôt ! Je l'aurais cru plus long et moins charmant.
          — Adieu ! la nuit menace, et, sans perdre un moment,
          Vers ce rocher, là-haut, où la neige miroite,
          Dirigez-vous, suivant toujours la ligne droite.
          Adieu !

   Absorbé dans ses pensées, sentant encore autour de son
cœur la douce chaîne qui s'y est détachée, le chevalier
marche, marche de la vallée à la montagne, de la montagne
à la vallée, iusqu'au lever de l'aurore. Mais enfin il a pitié
de son cheval et s'arrête près d'un ruisseau dont les bords
offrent à Bayard une rafraîchissante nourriture. Tandis qu'il
tond le gazon épais, son maître se souvient de sa harpe ; il
chante :
                J'ai tenu sa main dans la mienne,
                J'ai tenu sa main sur mon cœur.

                Quand je l'ai doucement pressée,
                La blanche main n'a pas frémi ;
                Pourtant elle me l'a laissée...

  Mais quoi ! Un démon a-t-il passé là pendant qu'il s'aban-
donnait au souvenir trop sensible de l'amour? La scène est