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158                     VICTOR DE LAPRADE
    Mais qu'est-ce donc que trois fleurs qui seront fanées
demain, pour le chevalier de la beauté, pour le sauveur de
l'innocence? La jeune fille lui donne son rosaire, talisman
plus fort que rose, marguerite et violier. Puis, tous deux
se quittent, suivant leur destin contraire, et écoutant, le
long de la route, la ehansonj qui se chante dans leurs
cœurs.
    Tout a coup, un labyrinthe se présente sous les pas du
chevalier. Quel est, de tous ces sentiers, celui qui aboutit
a la Tour d'ivoire? Rien ne diffère entre eux; ils sont éga-
lement bordés de précipices et peuplés de tentations. Déjà
le voyageur inquiet s'est égaré plusieurs fois, et il ne sait
plus dans quel chemin avancer lorsqu'une voix lointaine
vient frapper son oreille. Il s'arrête ; la voix s'approche ; il
attend, et Cœlia paraît derrière la haie.
    — C'est vous, la belle enfani ?
    — C'est vous, beau chevalier ?
    — J'ai perdu ma route et presque mon courage.
    — Oh ! moi, je n'ai rien perdu. Ce bois m'est familier,
        Et je puis, vers le but qui fuit à voire approche,
        Guider l'homme, sans peur, moi, fille sans reproche.

  — Allons !
  La belle saute en croupe sur Bayard.
          Or, pour se maintenir, l'enfant au cavalier,
          Comme une vigne à l'orme aurait dû se lier,
          Et, d'un bras arrondi, contre la noire armure
          L'enlace fortement d'une étroite ceinture.
          C'était, sans la chercher, sur la place du cœur
          Qu'elle appuyait ainsi sa douce main de sœur.
          Les gantelets pendaient à l'arçon de la selle,
          Le preux mit une main sur la* main de la belle,
          L'osa saisir, enfin la pressa longuement.
          Et la main restait là, comme un consentement.