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être plus fatal à un écrivain que de regarder une centre
littéraire comme suffisamment morale, du moment qu'elle
donne lieu à la déduction d'une maxime philosophique. Celte
tendance paraît généralement adoptée par les romanciers, et
cependant ce n'est pas l'aphorisme attaché à bon ou à mau-
vais droit à une fable qui peut purifier ou corrompre, élever
ou abaisser l'intelligence et le cœur. Le romancier doit con-
sidérer le côté moral de son œuvre sous un double point de
vue : il doit observer l'effet des passions sur les individus, et
l'effet des circonstances sociales sur le caractère. Cette der-
nière partie du programme sommaire que nous venons de
tracer est souvent la plus généralement utile, car elle a pour
objet d'améliorer non seulement les individus, mais encore
la société même ; cependant elle est souvent aussi la plus
dangereuse. Nous doutons beaucoup, par exemple, que des
romans tels que Tom Jones, qui, tout en cherchant à dé-
masquer l'hypocrisie, jettent un charme séduisant sur les er-
reurs d'un cœur naturellement franc et généreux, soient aussi
utiles à de jeunes lecteurs, toujours plus disposés à sympa-
thiser avec Jones qu'avec Blifil, qu'à des philosophes réflé-
chis qui ont passé l'âge des passions ; tandis que le conte
de miss Edgeworth intitulé Vivian et encore le roman
de Paul de Rock intitulé le bon Enfant, peignent d'une ma-
nière si touchante et si vraie les funestes conséquences de la
faiblesse avec laquelle on cède trop souvent aux tentations
du vice, qu'on peut dire que ces ouvrages doivent obtenir le
succès moral le plus complet que puisse espérer une fiction.
    Le romancier ne doit jamais oublier combien est étendu
le cercle de ceux auxquels il s'adresse. Il doit donc être
attentif à ne jamais cacher la vérité sous une fiction ca-
pable de produire de fatales erreurs. II doit enfin avoir
toujours présente à la pensée cette maxime : Que la
morale ne marche jamais sans la philosophie, tandis que la
 philosophie marche souvent sans la morale.
          (Traduit de l'anglais).                   B.