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   L'école française, elle aussi, avait autrefois adopté ce système. Mais quand
celte théorie eut été mise en pratique, cette école, instruite par l'expé-
rience, dut reconnaître que les principes absolus peuvent rarement être
convertis en règle ; et celte conviction l'a conduite à modifier ce système par
une distinction nécessaire et par une définition meilleure.
    Ainsi, cette école, conservant avec persistance le principe du laisser
passer, a proclamé la nécessité de supprimer partout, avec tous les égards
cependant que méritent les intérêts actuels, et par une progression sagement
calculée, les tarifs et les douanes. Celte opinion est justement motivée par
l'intérêt simultané des producteurs et des consommateurs. Les tarifs et les
douanes, en effet, sont des entraves funestes qui nuisent à tous les intérêts.
Leur action réagissant sur le prix des choses, augmente réellement le coût de
tous les produits, soit en augmentant de toute la quotité des droits de douane
le prix des matières employées dans la production, soit en rendant plus cher
la vie animale des producteurs, ce qui se traduit par une augmentation du
prix des salaires, soit enfin en provoquant des mesures de réciprocilé qui
soumettent à de lourdes taxes l'introduction des produits nationaux, et en
restreignent ainsi la consommation chez les étrangers. Mais cette action
s'étend plus loin encore ; la masse entière de la population en souffre. La
population est appelée, en effet, au rôle réciproque de consommateur, sauf
des proportions basées sur la fortune et sur les besoins individuels. Si donc la
production est plus coûteuse, les produits veulent être payés plus cher. Dès
lors ils ne sont plus accessibles qu'à un nombre limité de consommateurs, et
même en plus ou moins grande quantité pour chacun d'eux; car, il devient
évident qu'en pareil cas le riche est forcé d'acheter moins, et le pauvre est
forcé de n'acheter pas des produits souvent utiles et quelquefois même indis-
pensables. Alors, le cercle de la consommation se rétrécit, les chances de
vente diminuent; et cependant, la production continuant son activité irré-
fléchie, l'encombrement survient, et avec l'encombrement arrivent la baisse, le
chômage, les pertes et les ruines. Chacun alors déplore ces orages qui, à des
périodes de plus en plus rapprochés, viennent affliger les industries et les
populations. On en recherche les causes, et l'on s'arrête aux premières que
l'on découvre, sans compléter celte exploration utile, sans s'apercevoir ou
 sans remarquer que le plus grand, le plus puissant remède, c'est de faciliter
le développement de la consommation, c'est de RENDRE LE PLIS GRAND NOMBRE
rOSSIBLE   DE B O N S   PRODUITS ACCESSIBLES   AU PLUS GRAND NOMBRE POSSIBLE DE CON-
SOMMATEURS !
    Mais en reconnaissant le mérite de la maxime du laisser passer, l'école
française a été conduite aussi à reconnaître les inconvénients graves et
nombreux du laisser faire, et le besoin d'un système de restrictions modérées
et prudemment choisies en ce qui concerne l'action matérielle de l'industrie
et du commerce. Ce n'est pas ici le lieu de développer la nature et la portée
de ce nouveau système ; nous dirons seulement que les restrictions salutaires
dont l'application est invoquée par celte école doivent être à la fois éloignées
des entraves étouffantes brisées par la Révolution française, et de la liberté
industrielle illimitée qui a succédé à ces entraves, et qui laisse les hommes
et les choses livrés au seul arbitre de l'intérêt individuel, toujours égoïste, et
trop souvent immoral.
    Partisans de cette nouvelle école française qui nous parait la plus ration-
nelle et la plus sociale nous avons dû expliquer notre opinion. Il nous a paru
 utile d'établir une distinction nécessaire sur un principe à notre avis com-
plexe, et qui doit être divisé et séparé à l'avenir en théorie comme en pra-
tique.                                                                 B,