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 acte du moi, c'est souvent, au contraire, l'acte du moi qui
 les étouffe, il n'y aurait pas une telle monstruosité à en être
 privé. Loin d'être en droit d'attendre de l'homme ces senti-
 ments, il faudrait les considérer comme une chose empirique
 et tout-à-fait contingente. Il n'y aurait pas plus de crime à
 ne point éprouver ces affections qu'à ne pas recevoir telle ou
 telle perception extérieure, et les sentiments n'auraient pas
 plus de valeur morale que les sensations.
    Comment serait-on en droit de réclamer de l'homme l'a-
 mour filial, l'amour conjugal et l'amour paternel, comme on
est en droit de réclamer de lui le sentiment du bien, le senti-
ment du juste et le sentiment de l'injuste, si l'amour filial,
conjugal et paternel n'étaient pas dans le même cas que le
sentiment du bien, du juste et de l'injuste ; c'est-à-dire si
 ces amours, non quant aux développements, qu'ils ne r e -
çoivent que de l'homme, mais quant à leur germe, ne
 faisaient pas positivement partie de notre être? Aussi se
 borne-t-on à se moquer de l'homme qui manque des pro-
duits du moi, c'est-à-dire qui manque de volonté ou qui
 est faible, qui manque d'idée ou qui est ignorant; tandis
que l'on condamne l'homme qui manque de tout ce que l'on
possède indépendamment du moi, c'est-à-dire qui manque
de raison ou qui est insensé, qui manque de sentimeut ou
qui est criminel. En effet, comme les actes de la volonté,
ainsi que les idées de l'intelligence, naissent du moi, il suffit
pour être faible ou ignorant que, par paresse, le moi n'ait pas
agi; mais comme l'idée du bien et du vrai, ainsi que les affec-
tions de la famille, font partie de notre nature, il faut pour
être criminel ou ingrat que, par perversité, le moi ait agi
de manière à étouffer ces sentiments.
   Ce n'est pas seulement parce que son père lui est bon et
utile, qu'il est si monstrueux pour l'enfant de ne pas aimer
son père; ce n'est pas seulement parce que sa femme lui est