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                    ET DE LA SOCIETE.                  381




                          VIII.



    Au sentiment de Linguet, ces hommes chasseurs, poussés
par la faim, s'étant donc jetés sur un troupeau, vinrent,
en dévorant leur proie, à réfléchir sur l'agrément qu'il y
aurait à trouver tous les jours une subsistance aussi com-
mode, et ils comparèrent les dangers et les fatigues de la
chasse aux bêles cruelles avec la facilité d'en saisir à chaque
instant quelqu'une de celles qu'ils voyaient si douces et si
apprivoisées.
    « Cette idée, dit-il, aurait dû les conduire à apprendre
eux-mêmes l'art dont ils sentaient l'utilité, elle devait les
disposer à s'associer à des travaux dont les fruits leur pa-
raissaient si doux ; mais leur méchanceté ne leur permit
 pas d'en former le projet, ils en imaginèrent un beaucoup
 plus facile et l'exécutèrent. »
    Ce projet fut, comme nous l'avons dit plus haut, de se
 rendre maîtres des terres et des troupeaux, et d'en asser-
 vir les propriétaires, lesquels, effrayés par le nombre, inti-
 midés par la vue des armes, se soumirent à tout.
     « Ce fut ainsi, dit Linguet, que l'étal de laboureur et de
 berger devint, même avant la seconde génération, un état de
 servitude. La plus ancienne de toutes les lois fut celle qui
 affermit la dépendance la plus humiliante ; la première ap-
 parence de société qui se forma sur la terre, y fit voir le
 despotisme et la bassesse, des maîtres impérieux et un es-
  clave tremblant.
     « Mais, réfléchissant sur leur première violence, les hom-