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manquerais pas de place où invoquer l'aide de Dieu, sans compter un
portrait de la Vierge, dans un cadre oval, à l'angle de la place, devant
laquelle, le soir venu, on tient une chandelle fort proprement allumée.
Enfin, je gîte tout juste au-dessus d'un cardinal qui fut capucin et qu'on
dit austère. Mille prêtres et moines hantent dès l'aube son logis. Je ne
saurais donc mourir sans confession : je pourrais même pêcher sans rete-
nue, puisque j'ai, si j'ose ainsi parler, l'absolution à ma commodité.
Mais la considération des devoirs où je me suis engagé vis-à-vis de vous
sera toujours plus forte que l'entraînement des plaisirs ou les facilités
de la pénitence ».
     Le feuillet s'arrêtait là. Quelques recherches ont permis de penser
que cette lettre avait été écrite par le Chevalier de C. à la comtesse de
M., le chevalier venait d'être attaché à l'ambassade de Rome; sa liaison
avec la comtesse datait alors de quelques mois — une série d'intrigues
à Rome le détachèrent peu à peu de la comtesse qui en conçut un pro-
fond chagrin. Quelques lettres retrouvées par le mari provoquèrent une
désunion que l'infidélité du chevalier rendait tardive et injuste. La com-
tesse se retira chez une tante, chanoinesse au Chapitre de Salles en
Beaujolais, où elle demeura jusqu'en 1791. Le comte mourut en 1783.
Quant au chevalier, après un séjour de six ans à Rome, il fut envoyé
comme secrétaire d'ambassade à Londres, où la Révolution le surprit. Il
y vécut de la pension que le gouvernement offrit aux émigrés et aussi,
dit-on, des subsides d'une dame anglaise qu'il avait su intéresser. Cette
vie médiocre se racheta par une mort honorable. Il prit part à la malheu-
reuse affaire de Quiberon, et fut fusillé : il mourut avec le plus grand
courage et ne se départit pas, jusqu'à la dernière minute, de la plus
extrême politesse.
                                                              R. L.-V.