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VICTOR HUGO -415 par la divergence des intérêts européens. Aujourd'hui la confusion y est à peu près arrivée à son comble et chacun est assez embarrassé desavoir.de quel côté il doit porter ses sympathies. Les Russes ont leurs partisans; les Turcs ne manquent pas de défenseurs: les Bulgares, les Roumains, les Serbes, les Bosniaques, les Herzégo- viniens font successivement prime sur la place. Mais, de 1820 à 1830, les Grecs principalement furent à la mode. Botzaris, Canaris, Ypsilanti, Tzavellas étaient les héros du jour; le martyre des femmes souliotes arrachait des larmes à tous les yeux; à Paris (nous nous en souvenons pour l'avoir vu), on représentait au cirque Franconi le siège de Missolonghi avec accompagnement de fusilla- des, et l'aventure navale de Navarin excitait partout l'enthousias- me. Le général Foy, Benjamin Constant, Victor Cousin, Villemain comptaient en tête des philhellènes ; Pouqueville racontait en quatre volumes l'histoire de ces luttes mémorables; Fauriel recueillait les chants populaires de la Grèce ; Casimir Delavigne, Pierre Lebrun, d'autres encore lui consacraient leurs propres inspirations. Le colonel Favier et le général Maison s'empressaient de la soutenir parles armes; d'opulents banquiers lui fournissaient des subven- tions; Edgar Quinet allait l'étudier en érudit. Sans parler des souscriptions particulières ouvertes en sa faveur, le gouvernement français garantissait officiellement les emprunts qu'elle contrac- tait et qu'elle n'a jamais amortis. Du sein même de cette Angle- terre, qui, de temps en temps, affecte de se poser en patronne du croissant, un écrivain millionnaire, lord Byron, l'auteur de la Fiancée d'Abydos et du Siège de Oorinthe, courait mettre au service de l'Hellade son génie poétique, son argent et son épée. Comment donc s'étonnerait-on du succès obtenu alors par les Orientales"1. Elles comprenaient, il est vrai, quelques morceaux étrangers à cet ordre d'idées : l'éclatante narration du Feu du Ciel (dont un Lyonnais bien connu, amateur et protecteur de tous les arts, M. Emile Guimet, a tiré les motifs d'un oratorio plein de vivacité et d'effet), divers tableaux de l'Espagne et plusieurs souvenirs intimes. Mais, avant tout l'Orient, qui inspira depuis tant d'habiles artistes, Horace Vernet, Decamps, Marilhat, Gèrôme, Gleyre, Fromentin, Bida, Fortuny, Henri Regnault, trouvait ici un peintre dont la palette semblait incomparable. Ces strophes si