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FRA SALIMBENE 343 il s'accuse. Pendant son séjour à Pise, il évitait avec soin le quar- tier des marchands, craignant de rencontrer les marchands de Parme qui demeuraient là . S'il résista avec tant d'énergie aux efforts de ses parents pour le ramener à eux, c'est qu'eu réalité il n'aimait ni son père ni sa mère, et il fit preuve à leur égard d'une sécheresse de cœur qu'on ne peut lui pardonner. Il nous dit qu'il avait un grief contre sa mère, cette excellente femme qui n'eut jamais un mouvement de colère, et dont il trace lui-même un portrait si plein de charme. Ce grief est singulier : le 25 décembre 1222 —Salimbene était à peine âgé d'un an, — un tremblement de terre ébranla toute la Lombardie et faillit renverser le baptistère de Parme sur la maison de la famille di Adamo; il n'en fut rien d'ailleurs ; mais la mère de Salimbene, affolée de terreur, prit avec elle ses deux filles, et se sauva, lais- sant son fils au berceau. C'est là ce que Salimbene lui reproche : a Quand elle m'eut raconté ce fait, nous dit-il, j'éprouvai moins d'affection pour elle, parce qu'elle devait plutôt s'occuper de moi, garçon, que de ses filles. » On peut trouver la raison insuffi- sante. Le récit que nous fait Salimbene de son entrevue avec son père, dans l'année qui suivit son départ delà maison paternelle, est d'une dureté révoltante. Guido di Adamo, profitant du passage de Fré- déric II à Parme, était allé supplier l'empereur d'intervenir auprès des moines pour que son fils lui fût rendu. L'empereur, favorable- ment disposé, lui remit une lettre pressante qu'il adressait au frère Elie, ministre général des Frères mineurs. Ce dernier était alors à Assise : Guido partit immédiatement pour lui porter la lettre impé- riale, et il reçut en échange une autre lettre par laquelle le frère Elie invitait les moines de Fano — c'était le couvent où s'était retiré Salimbene— à rendre le jeune fugitif à son père, à moins cepen- dant qu'il ne persistât dans sa résolution. Guido se mit en route d'Assise pour Fano. Il y fut très mal accueilli par son fils : « Mais tu ne penses donc pas, lui dit-il, à ton père et à ta mère, que tu mets à la torture? — Il est vrai que je n'y pense pas, répondit Salim- bene, parce que Je Seigneur a dit : « Celui qui aime son père ou sa « mère plus que moi n'est pas digne de moi. » Cette entrevue avait lieu en présence du couvent tout entier.