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P R E M I È R E S G U E R R E S DE LA R É P U B L I Q U E 267 ennemis sont toujours dans les mêmes positions et notre avant- garde, dont je ne suis plus, les inquiète quelquefois. Un de mes camarade en garnison à Landau qui avait un superbe cheval vient d'être fort heureux. Son domestique, il y a huit jours, lui a emporté son porte-manteau sur son beau cheval et s'est sauvé chez les Autrichiens à une lieue de Landau. Mon camarade s'en est plaint tout de suite au général Gillot, commandant de Landau, lequel a écrit sur-le-champ au général Wurmser, général des Au - trichiens. Le lendemain un trompette autrichien est arrivé à Lan- dau, ramenant le cheval volé avec une lettre très honnête où il invite à la réciprocité dans de pareils événements. Mon camarade en a été pour son porte-manteau. Illkirch, parc d'artillerie de la 2" division près Strasbourg', 26 frimaire an IV. ... Je n'ai pu te répondre de suite à cause de mon changement de logement à Benfeld et de notre départ de ce charmant endroit que je regretterai longtemps pour venir ici où nous sommes fort mal, quoique à une lieue et demie de Strasbourg. On me fit loger au mou- lin de l'endroit ; j'y étais logé comme dans mon premier logement et j'avais de plus trois grandes jolies demoiselles, grandes musi- ciennes et liseuses de romans dont elles avaient grande provision. Tu dois juger combien je me suis amusé de me trouver sans cesse avec elles, leur forté-piano, leur musique vocale et leurs livres. Les trois jours que j'y ai passés et qui n'ont duré qu'un instant on été employés à chanter l'Infante de Zamora, de Païsielîo, Œdipe à Colone, de Sacchini, dont elles avaient les partitions complètes et qu'elles savaient par cœur ainsi que moi. J'étais le premier offi- cier musicien qu'elles eussent logé. Elles ont été désolées de mon départ subit. Je crois qu'un quatrième jour de plus, j'étais amou- reux de toutes les trois, ne pouvant faire un choix. Pour me con- soler, nous sommes ici horriblement mal, dans la boue, mal logés et mal nourris.