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CLAUDE DE RUBYS ET LA LIBERTÉ DE T E S T E R 173 bourgeoisie que celle-ci ne l'était elle-même. N'est-il pas vrai qu'un patrimoine trop morcelé, qu'une autorité paternelle trop af- faiblie, sont plus funestes aux humbles familles qu'aux autres? N'est-il pas vrai qu'une trop grande subdivision des fortunes mo- diques met nécessairement un terme rapproché à leur existence, surtout, comme le faisait remarquer le législateur de 1804, lors- qu'elle entraîne l'aliénation de la maison des ancêtres, qui en est pour ainsi dire le point central ? Le Code civil moderne s'est approprié le principe posé par les réformateurs de la Coutume de Bourgogne, en 1570. Il a été une transaction entre le droit romain et le droit coutumier, une de ces transactions qui s'imposent, ainsi qu'en l'a dit, parce qu'elles appli- quent le juste dans la mesure de l'utile. Il n'a pas restauré le droit d'ainesse et de masculinité qui enchaînaient la volonté paternelle, comme ils détruisaient l'harmonie, la concorde et l'affection au sein des familles. Mais il a reconnu à tous la faculté de tester et au père le droit de faire, entre ses enfants, un partage testamentaire qui s'applique même aux biens réservés. Il a donc combiné la liberté du droit romain et les restrictions des ^institutions coutumières ; par l'une, il a restitué à l'ascendant sa dignité et sa souveraineté au milieu des siens ; par les autres, c'est-à -dire par la réserve, il lui a rappelé les devoirs qu'il contracte envers sa postérité en lui transmettant la vie. Il a fondu ensemble, il a uni deux idées riva- les et nécessaires. Il est permis toutefois de regretter qu'il ne soit pas allé aussi loin que le voulait Claude de Rubys, et qu'il n'ait pas même atteint la réforme adoptée par les états de Bourgogne au seizième siècle. Son œuvre, suffisante pour la société de 1804, l'est-elle encore pour celle de 1880? Protège-t-eîle assez efficacement le patrimoine contre le morcellement et la puissance paternelle contre l'irrévéren- ce des enfants? Est-il bien indispensable que la réserve varie selon le nombre de ceux-ci, et que le pouvoir du père décroisse â mesure que ce chiffre augmente? La quotité disponible n'est-ellepas tropparci-» monieusement ménagée, et répond-elle bien, dans les limites étroi- tes qui lui ont été tracées, au but que s'est proposé le législateur, en d'autrestermes, permet-elle suffisamment l'encouragement de toutes les aptitudes, la punition de toutes les fautes, la sanction de tous