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110 LA REVUE LYONNAISE à titre purement gratuit, cela s'entend. Là , il travaillait, cahin, caha. Toujours découragé, il n'avait pas l'énergie suffisante pour amasser à foison ces études, ces calques, ces documents qui sont comme le capital de réserve de l'architecte. En ce temps Bossan lui fit dessiner un dessin à grande échelle pour l'autel de Notre-Dame de Montbrison. Il lui confia les figures, qui se trouvèrent assez bien tournées pour que le sculpteur Bonnet s'en montrât satisfait et s'en servît à peu près exactement pour son bas-relief. L'appartement de Bossan donnait sur la Saône. Quel spectacle merveilleux il fut souvent donné à Valère de voir de la fenêtre, quand le soleil baissait derrière la colline de Sainte-Foy ! 11 ne se peut rien voir de plus parfaitement doux et harmonieux que ce co- teau arrondi, trempant ses pieds dans cette Saône d'émeraude. Sou- vent avec Bossan ils allaient le long du cours faire une promenade jusqu'au pont de la Mulatière. A cette époque les usines et les mar- chands de charbon n'avaient pas encore envahi la presqu'île. A côté du moulin à vapeur, il y avait un très vaste carré de verdure, boisé de ces arbres élégants qui aiment le bord des eaux, et où Janmot, qui avait son atelier dans la même maison que Bossan le sien, venait avec ses élèves : Sainte-Marie Boulanger, Richard, Borel, Ranvier et quelques autres, se délasser du travail en jouant au ballon. Tout cela était beau et agréable, mais « le corps ne se paist aux banquets de la muse ». De fortune, une circonstance se présenta, qui permit à Valère de gagner par son travail ce premier denier si précieux au jeune homme le plus rangé. Je ne sais trop comment il se fit que Kauffmann, rédacteur en chef du Censeur, ouït parler de Valère. Quoique la Liberté et le Censeur eussent eu plus d'une fois maille à partir ensemble, Kauffmann, ayant besoin de fortifier une rédaction peu nourrie, fit demander à Valère, en 1849, s'il accepterait de travailler au journal. Valère y donna quelques ar- ticles, mauvais, mais qui ne déplurent point parce qu'ils avaient ce bagout du journaliste dont j'ai déjà parlé, et qui est comme le visa de la douane en ce genre de littérature. Le Censeur était à la fois très républicain et très hostile aux prêtres. Mais Kauffmann, qui était un galant homme, s'empressa