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84 LA REVUE LYONNAISE l'élément animal et l'élément rationnel dont notre être se compose. Le fait de se donner la mort pour ne pas survivre à son honneur a quelque chose de plus noble ; car l'opinion publique est comme une conscience extérieure qui nous avertit de ce que nous devons faire, et nous devons tenir grand compte de ses indications. Il faut songer cependant qu'elle n'est pas infaillible et que le témoignage des autres ne vaut pas, en définitive, celui que nous nous rendons à nous-mêmes. Vous croyez votre honneur perdu quand le public vous apprécie défavorablement et vous retire son estime? Mais de deux choses l'une, ou vous avez mérité ou vous n'avez pas mérité d'être jugé de la sorte. Dans le premier cas, vous n'avez qu'à vous incliner devant le verdict de l'opinion, puisqu'il est conforme à la justice : vous devez accepter le chagrin qu'une telle appré- ciation vous cause à la fois comme une expiation de votre conduite passée et comme un moyen de vous réhabiliter pour l'avenir. Dans le second, nous n'avez pas à vous en inquiéter outre mesure : le public ne tardera pas vraisemblablement à revenir de son erreur et à vous rendre la justice que vous méritez- D'ailleurs, vous avez pour vous le témoignage de votre conscience et il doit vous suffire : vous n'êtes pas fait pour paraître honnête homme, mais pour l'être réellement. C'est en cela et en cela seulement que consiste l'ac- complissement de notre destinée. Nous admirons autant que personne le suicide de Caton, qui se tue pour ne pas subir la clémence humiliante de son vainqueur : nous y voyons la saillie d'une grande âme. Cependant nous ne saurions l'approuver de tout point, car il suppose une conception de l'honneur des plus sujettes à contestation. Celui qui fait son devoir conserve, à ce qu'il semble, son honneur intact ; car le véritable honneur est dans le sentiment du devoir accompli. Il ne dépend ni des caprices d'un tyran ni de ceux de la multitude de le lui ravir. C'est à celui qui a manqué à son devoir à être humilié et à rougir : eelui qui a fait le sien ne connaît ni l'humiliation ni la honte. Que le sort des armes trahisse ou favorise son courage; qu'un en- nemi le tue ou l'épargne, il ne daigne pas s'en préoccuper et con- serve, au sein des plus grandes disgrâces, la fière attitude qui convient à la vertu. D'ailleurs, ses devoirs de citoyen remplis, il restait à Caton ses devoirs d'homme auxquels il ne lui était pas