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60                       LA R E V U E LYONNAISE

rendre à Nantua. Par cette route on arrive à un lac, qu'on laisse
à droite. La rive opposée est bordée de rochers escarpés et
s'élevant à une grande hauteur; à votre gauche, en deçà
du lac, d'autres rochers, non moins inaccessibles, dominent le
chemin et menacent le voyageur d'une chute imminente, ce qui
arrive fréquemment, comme le témoignent les blocs énormes,
épars çà et là sur le bord du lac. On dit, en plaisantant, que ces
rochers à pic sont retenus à la montagne par des chaînes, qui les
empêchent de tomber * ; mais on voit la preuve du contraire sur la
route, qui passe à leur pied et qui vous conduit directement, à un
mille de distance, dans la ville de Nantua.
   Devant les maisons de cette ville s'étendent des portiques cou -
verts et supportés par des colonnes, où l'on peut circuler a l'om-
bre, même à cheval, en évitant les ardeurs du soleil et les averses
de la pluie 2. Les habitants passent pour se livrer à la fabrication
des aiguilles ; de là le nom de fabricants d'aiguilles, qui leur
est donné, ce qui explique pourquoi les Allemands appellent
 Nantua la petite ville des aiguilles fdas Gufen Stàdtlein3).
   Après avoir fait un excellent dîner à l'hôtel de YEscu de
 France,, nous nous dirigeons vers un lac 4 , à gauche duquel on
 remarque un endroit appelé la Pisse-Vache. Là, d'une montagne
 escarpée et fort haute, se précipite, en été comme en hiver, une


   i Les habitants de Nantua vous font remarquer, encore de nos jours, un énorme
rocher qui domine directement, au nord, les maisons de cette ville. Ce rocher qui,
du fond de la vallée, semble faire corps avec la montagne, en est, au contraire, sé-
paré par un intervalle assez grand. C'est ce bloc colossal qui, suivant la légende
locale, est retenu par des liens invisibles et doit, un jour, écraser Nantua dans sa
chute. On voit que cette tradition légendaire, recueillie fidèlement par Golnitz, re-
monte à une époque assez ancienne.
    2 Deux siècles et demi seulement se sont écoulés depuis que Golnitz visita Nantua-
On voit donc que, depuis cette époque, les maisons de cette ville ont dû être recons-
truites en entier, car on n'y retrouve plus aucun reste des galeries couvertes qui
 s'étendaient autrefois devant leur façade.
    3 Les termes dont se sert ici Golnitz sont empruntés à quelque dialecte local, qui
 diffère notablement de l'allemand pur. Quoi qu'il en soit, la fabrication des aiguilles
 est une industrie dont on ne retrouve aujourd'hui aucune trace à Nantua.
    * Le lac de Silan. Ce lac a 2 kilomètres de longueur sur un demi-kilomètre
 de largeur. Profondément encaissé entre deux hautes montagnes, couvertes de sapins,
 il se distingue par la couleur verte et la limpidité de ses eaux. Aussi ce lieu a-t-H
  été choisi, depuis quelques années, pour l'exploitation, sur une grande échelle, des
  glaces qui sont expédiées dans toutes les villes de France.