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3Ô0 LUTHERIE harmoniums? Et le peintre, où ira-t-il chercher des modèles quand les dernières forêts auront disparu, quand la ligne droite sera souveraine, la couleur uniforme et la spécula- tion triomphante? Ainsi, le monde continuant sa marche progressive, j'ai raison de dire que peut-être en 1900, on trouvera, avec de patientes recherches, les débris d'un âge antérieur, on les traitera de fossiles, d'antédiluviens, de témoins d'une époque barbare. Quelques collectionneurs entêtés survi- vront, recueillant les épaves du grand naufrage, les vues de campagnes inconnues, car il n'y aura plus de campagnes, les compositions idéales représentant les évolutions du cœur humain et non les difformités de la carcasse humaine. D'autres formeront un petit cénacle dans une rue paisible, s'il s'en trouve encore, et à certains jours se réuniront pour jouer les quatuors du vieil Haydn. Les plus âgés se rappel- leront les contes de leurs grands-pères sur cette ancienne et ravissante musique, sur cette jeune fille qui avait osé se mesurer avec le fantasque maestro de Bonn et à la surprise générale avait trouvé dans son âme le secret de l'interpréter comme les plus illustres violonistes. Aujourd'hui, nous entendons parler de Gaviniés, de Viotti, de Jarnowik, nous recherchons les instruments du temps passé, de même alors on devisera de nos célébrités actuelles, on s'arrachera des violons portant dans leurs flancs les signatures de Vuillaume ou des Sylvestre. Le temps seul apprend à connaître la valeur des choses, le véritable artiste travaille pour l'avenir et souvent un succès trop prompt équivaut à un arrêt de mort. L'idée de progrès continu et universel est une chimère. Dans les arts surtout le point essentiel étant l'inspiration, il n'y a pas de raison pour que les générations futures soient