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58 LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN zanna et Pise, où nous nous arrêtons deux jours et demi. Là je retrouve l'Italie de mes souvenirs, et je m'empresse de visiter ces beaux monuments de l'architecture pisane qui, à l'écart du bruit et du mouvement, forment dans une partie de la cité une réunion si saisissante : le Campo Santo, la cathédrale, le baptistère et la tour penchée. Le Campo Santo me donne les mêmes impressions que dans ma jeunesse. C'est avec une vraie émotion que, portant mes regards sur ces murs vénérables j'y ai reconnu l'effort et les ravages du temps. Bien des choses, hélas! ont achevé de mourir, et les autres pâlissent sensiblement. Cependant que de leçons peuvent encore donner ces ruines ! Le baptis- tère, la cathédrale et dix ou douze églises offrent, comme Lucques, que nous visitons, des trésors sur lesquels je ne peux prendre que de courtes notes, mais qui laissent dans l'esprit une influence bienfaisante. A Sienne, la ville reine du pittoresque, dont les monu- ments ont tant de caractère, nous nous arrêtons encore deux jours ; puis reprenant notre voiturin, bravant la menace des brigands, par Orvieto et Viterbe, nous prenons la route de Rome. A Ronciglione je vois déjà le mont Soracte et les montagnes de la Sabine. Je pressens Rome ! Enfin à six lieues, des hauteurs de Boccano, je vois le dôme et le montre à ma femme et à mes enfants, et, pleins de respect et de vénération, nous mettons pied à terre pour le saluer. Vous dire mon émotion est chose difficile. Chaque acci- dent de la route la provoque, l'augmente et la porte jus- qu'aux larmes. Enfin, voilà la Porte du peuple, que j'ai quittée il y a vingt-cinq ans! Les derniers rayons du soleil frap- paient encore le dôme et les plus hauts monuments. Mais avant d'avoir pris logement et les premiers arran- gements, la nuit était venue et ce n'est que dans son obscu-