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 34   2            LETTRES D ' H I P P O L Y T E FLANDRIN

seconde, dans ses traditions à lui, où sous l'empire d'un système trop homogène
et fait d'abstractions, il a perdu plus d'une qualité native. Je crois que de
même il resserra, il enserra les facultés de Lacuria.
   Mais les nécessités de l'existence obligèrent assez promplement celui-ci à
renoncer aux vastes espoirs, si jamais il en avait nourri. L'abbé Paul
Lacuria, son frère aîné, fut un de ceux qui participèrent, il doit y avoir une
cinquantaine d'années, à la fondation de l'Institution d'Oullins, encore
aujourd'hui florissante sous le nom d'Ecole de Saint-Thomas-d'Aquin et la
direction du Tiers-Ordre dominicain. Il appela son frère à prendre la direc-
tion des écoles de dessin. Louis accepta. Il avait les plus admirables facultés
de professeur que j'aie rencontrées. Il se voua donc à l'enseignement, avec le
troisième frère, Clément, qui, je crois, revint de Paris un peu plus tard.
Louis n'a pas fait de peintures, à proprement parler. Le Musée de Lyon
possède cependant deux ou trois morceaux de lui, entre autres une jolie tête
de toute jeune fille, d'un modèle très fin.
   Mais en lui, l'homme était bien plus à étudier que le peintre. Les aptitudes
philosophiques étaient le lot de la famille, comme en témoignent deux volumes
de métaphysique, publiés aux entours de 184}, par Paul Lacuria, et qui
sont intitulés les Harmonies de l'Être. C'est une conception générale des
choses, qui devra être étudiée, lorsque quelqu'un sera tenté de faire une
histoire, qui pourrait être bien curieuse, de l'esprit lyonnais durant la pre-
mière moitié du XIXQ siècle.
   Louis n'eût pas été non plus Lyonnais de cette époque s'il n'avait joint un
sentiment profondément religieux et moral, nuancé de mysticisme, à une
grande indépendance d'idées. J'ose dire que c'était l'esprit d'un philosophe
avec l'âme d'un saint. Comme ses contemporains lyonnais, il s'efforçait de
concilier l'orthodoxie avec ses idées personnelles. qui étaient très libérales.
Il a écrit un opuscule curieux, publié seulement en iSjy (1), et uniquement
pour quelques amis. Sous le titre de Les Trois âges, l'auteur esquisse une
théorie générale de l'Humanité, présentée d'abord sous une forme symbolique,
car « Xécole lyonnaise » revêtait volontiers V idée philosophique d'un symbole, et
n'accordait guère moins à la poésie qu'aux doctrines. C'est donc dans la
vie humaine que l'auteur trouve le symbole de l'Histoire générale. Il décrit




  (1) Les Trois âges, par Jean-Louis L., in-18, Lyon, imprimerie
Nigon, 1857.