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LA TRADUCTION DE PÉTRONE 273 adonner aux savants le texte latin de Pétrone; mais il devenait difficile et même dangereux, pour un serviteur du roi, surtout à cette époque, de répandre dans le public et de mettre à la portée de tous ce poème licencieux. Nodot ne l'ignorait point; aussi se résolut-il à mettre prudemment sa marchandise sous la protection d'un pavillon anonyme. Cologne, Leyde, Amsterdam avaient alors la spécialité d'éditer ces sortes de productions. Mais la distance était grande ; il était plus aisé de courir, à Grenoble même, les chances d'une impression clandestine, sous une rubrique étrangère. L'affaire fut conclue avec Alexandre Giroud, libraire du Parlement, des évêques de Grenoble et de Gap, à l'enseigne de la Justice, en la salle du Palais, et l'entre- prise confiée aux bons soins de Jean Verdier, imprimeur du roi, à Grenoble. On parlait encore dans cette ville des béné- fices du libraire Nicolas, éditeur du livre obscène de Cho- rier, connu sous les titres à 'Aloysia, Meursius et Académie des Dames. Ce souvenir détermina, sans doute, ces estima- bles négociants à tenter une opération plus lucrative qu'honnête. Le traité paraphé, l'exécution entamée, s'éleva la dispute traditionnelle entre auteur et libraire. Echo de ces bruits et, en outre, confident de Giroud, un religieux, homme de lettres et critique acerbe, donna alors au public un ouvrage curieux, traitant de la valeur intrinsèque de la Satyre, de l'insuffisance du traducteur et des péripéties de la publica- tion. Il importe donc de signaler immédiatement ce livre peu commun, guide, sinon impartial, du moins fort utile, pour arriver à démêler l'écheveau de ces supercheries littéraires.