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96 PAUL HUMBLOT crayonner quelques silhouettes vagues et imparfaites. Que l'oubli accomplit vite son œuvre! Quel effacement peut faire un demi-siècle! Et qu'ils sont loin de nous ceux qui, en 1820, occupaient les premiers rangs : Favre-Gilly; Valois; de Magneval; l'élégant Menoux; Marnas, dialecti- cien solide ; Journel, jurisconsulte savant, homme d'af- faires habile, orateur éloquent. A côté d'eux, cependant, nous pouvons saluer deux noms dont le souvenir est resté plus vivant et plus jeune au Palais; car nous les redisons encore aujourd'hui avec affection et respect : Desprez et Genton ; Desprez, qui fut un grand avocat, avant d'être un excellent magistrat ; Gen- ton, spirituel, incisif, plus que tout autre connaissant les affaires et marchant au but, sans que rien pût lui faire perdre le cours de sa pensée, prompt à donner d'un seul mot, aux interrupteurs, une inoubliable leçon. La grande place qu'ils occupaient n'est pas restée vide; et leurs fils se sont sou- venus des obligations qu'entraînent de semblables héritages. Puis, dans ce milieu, vieille bourgeoisie, dont le Bar- reau représente le mieux le type soigneusement conservé, on voyait, non sans surprise, Vincent de Saint-Bonnet apporter au Palais les allures d'un marquis de l'ancien régime et les manières raffinées qui fleurissaient dans les salons du xvme siècle. Le public, peu habitué à cette figure originale d'avocat talon rouge, s'étonnait de voir ce gen- tilhomme descendre de cheval pour endosser la robe. Ses confrères s'étonnaient peut-être davantage d'entendre sa parole, qui s'était attardée aux grâces vieillies du passé. On croyait écouter le dernier écho de cette éloquence de la Restauration qui, prête à s'éteindre, déroulait encore une fois ses périodes à longue haleine et rappelait la rhé- torique un peu démodée de Bellard. On pouvait sourire,