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                   DEUX MOIS EN ESPAGNE                   ^9 I

musée d'Artillerie qui, outre un spécimen de toutes les
armes actuelles, contient des plans de toutes les places
d'Espagne, ce qui est une bonne fortune pour le voyageur.
    La Salle des députés, mauvaise copie de celle que nous
 avons sur le quai d'Orsay qui ne méritait pas cet honneur;
 là, un beau pont ancien sur la route de Tolède; enfin, un
 grand théâtre, bâtiment fort ordinaire, où l'on joue un
 choix de nos plus médiocres pièces, traduites et adoptées
 par un auteur espagnol! triste répertoire d'une scène qui,
 du temps de Corneille, fut le modèle de la nôtre ; on y
fume pendant les entr'actes, et, au premier coup d'archet,
les musiciens remplacent leurs cigares par les becs des
 clarinettes.
    On ne peut finir une revue de Madrid sans parler d'une
 place très médiocre, mais fort célèbre : la fameuse Puerta
 del sol, qui tirait son nom d'un soleil qui se voyait autrefois
 sur la porte d'une chapelle; elle est restée le Forum de toute
la ville, et c'est là où, entre une glace et une cigarette, on
vient, le soir, échanger des cancans, ou des nouvelles poli-
 tiques.
    J'aurais voulu, en terminant, dire quelque chose des
usages et de la vie des habitants de Madrid, mais comment
le faire quand on n'a fait que passer, et que l'on ne peut ainsi
que répéter les dires des autres ? Les seules remarques que
j ai pu y faire, c'est que les hôtels y sont plus supportables
que dans le reste de l'Espagne, que l'on peut s'y refaire un
peu des atroces repas faits pendant le voyage, et cela à des
prix modérés de douze à quinze francs par jour; quand on
y séjourne, on trouve, dit-on, des pensions bourgeoises où
l'on est mieux, et à meilleur compte; partout on rencontre
des cabinets de lecture, des voitures de place, et des cicérone
qui parlent une espèce de français, etc., choses toutes dont,
après deux mois de privation, on sent bien le mérite.