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150 ORGUEIL verseront la rivière au gué de Vire ; le rendez-vous est Mauroux où nous resterons fort tard à festoyer. Il est bien entendu que, comme d'habitude, votre camarade Durand se sera ménagé une entrevue avec sa belle Anglaise, ce qui lui sera d'autant plus facile que nos ennemis seront occupés à célébrer leur Christmas à leur manière et que, surtout, il est dans les bonnes grâces de la dame qui lui ouvre, plus sou- vent qu'il ne le faudrait pour la sûreté du fort, la poterne du chemin de l'Abîme. Il demeure entendu que nous nous arrangerons de façon à être tout près de là quand notre ami en sortira sur le minuit; il nous laissera passer et Dieu fera le reste ! » « Des cris d'enthousiasme accueillirent cette proposition et Durand comprit enfin le rôle de « passe-partout » qu'al- lait jouer sa bien-aimée dans cette importante affaire. « — Silence ! étourdis, ajouta le baron, je n'ai pas blan- chi sous le harnais pour oublier comme vous toute pru- dence : il est clair que si, à notre entrée dans le fort, nous trouvions du premier coup trop de gens prêts à nous bien recevoir, nous ne ferions rien de bon; j'ai prévu cet inconvénient en préparant de quoi amuser messieurs les Anglais. « Vers onze heures du soir, mon vieux valet de chambre et quelques domestiques de confiance embarqueront les chèvres sur les barques que j'ai fait traîner ici. Comme le départ aura lieu un peu en amont, grâce à la disposition des îlots, le courant les portera en diagonale vers Orgueil, ce qui fait que les passagères pourront se passer de rameurs, rôle qui serait, je l'avoue, médiocrement amusant. Tout s'effectuera dans le plus profond silence, mais, au moment de lâcher tout, ils auront eu le soin d'allumer simultané- ment les torches que nous aurons fixées aux cornes des pauvres bêtes, et... vogue la galère ! Je vous jure, amis, que