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                      A NOTRE ÉPOQUE                         49

 trop d'uniformité; leur pinceau manque de souplesse et de
 variété. Et voyez : il existe, dans la nature, une multitude,
 une infinité de tons subordonnés au temps, aux lieux, à
 l'âge et au tempérament. L'enfant est blond et rose, la
 femme a une finesse exquise; les vieillards sont d'une diffi-
 culté inouie avec leurs tons chauds si fins, et si variés. A eux
 seuls, ils exigent l'étude la plus sérieuse et la plus appro-
 fondie; étude que je ne trouve pas chez nos peintres mo-
 dernes, dont les toiles, trop souvent, ressemblent à un
 lavis de convention.
    Par contre, ceux-ci appellent chercheur de petites bêtes, et
fanatique du détail, un illustre artiste, Denner qui a su si
 bien fouiller le tissu cellulaire ! il est évident que le fana-
 tisme est une erreur, un mensonge, mais la vérité va beau-
 coup plus loin que ne le pensent Messieurs les satisfaits.
 Voyez donc l'Ecole du xviir siècle, les Lagrenée, Lar-
 gillière, Rigaud, Nonotte, Raoux, avec quelle délicatesse
 ils glissaient ces petits gris bleutés qui lient les ombres à la
 lumière! comment ils savaient saisir sur le vif le geste or-
 dinaire de leur modèle, tout en leur conservant une pose
 magistrale et distinguée ! ils modelaient presque toujours
 dans la lumière afin de conserver cette harmonie que le
 temps détruit dans les œuvres poussées aux tons durs.
 Aussi leurs œuvres sont-elles restées limpides, sédui-
 santes et, pour ainsi dire, aimables ; je sais bien que l'élé-
 gance des costumes leur venait en aide et que les acces-
 soires, les belles draperies, les riches étoffes, les ameu-
 blements somptueux développaient l'imagination de l'ar-
 tiste, ce que ne peuvent faire les costumes anti-pitto-
 resques de nos jours. Mais, en outre de ses avantages,
 l'Ecole du XVIIIe siècle avait un savoir faire qui nous man-
 que. Elle était prévoyante pour ses tableaux dès l'ébauche;
 elle se serait bien gardée de recouvrir ses tons sans s'inquié-
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