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78                      CHRONIQUE LOCALE
   — Chaque jour, une foule de promeneurs va visiter les glaces amon-
celées autour de l'Ile-Barbe et se demande quel danger la débâcle de
ces masses énormes peut faire courir à nos ponts et à nos bateaux ?
Nous espérons, comme tout le monde, que les travaux des ingénieurs
auront su rendre inoffensif le départ de ces banquises dont les peintres
et les photographes nous conserveront seuls le souvenir.
   — Un jeune écrivain, est-il jeune ! certainement, à son style, à sa
foi de poète, à son amour vif et constant pour la littérature, un écrivain,
M. Alexis Rousset, que de vieux amis prétendent octogénaire, ce qui
ne peut être vrai, vient de publier un nouveau volume de poésies fort
affriolant. Les quarante premières pages contiennent un petit poème
sur Jacquard, puis viennent des fables, genre dans lequel l'auteur excelle;
on en peu juger par : Le Dogue, le Lévrier et le Chien de Berger, le Roi et
la Statue de marbre, ainsi que par vingt autres ; le volume contient en-
suite des poésies diverses dont plusieurs consacrées à la Société des intel-
ligences, et enfin une comédie en un acte et en vers : Epicier et Vieux
poète, et un opéra comique en un acte : Y Amour pâtissier.
   Heureux qui pourra mettre ce volume dans sa bibliothèque ! non-
seulement, à cause de son mérite littéraire, il est charmant, mais parce
que l'auteur a l'habitude d'offrir ses oeuvres très recherchées à ses amis
et qu'il n'y en aura pas pour tout le monde.
   — Qui ne se souvient des Heures de paresse, gracieuses et faciles
poésies de M. Louis Morin-Pons, introuvables aujourd'hui? Ce volume
a disparu et l'auteur aussi, mort avant l'âge. Ce premier essai de 1855
avait été suivi des Heures de tristesse, 1867, aussi élégantes, aussi pleines
de souffle et de pensées, mais plus désenchantées, plus arriéres. C'était
l'œuvre d'un cœur vaincu.
   Le bonheur n'est pas revenu. La poésie a continué à s'assombrir ; la
maladie brisait l'homme et le poète dont l'âme ne pouvait se résigner
à quitter ce monde où il avait rêvé et trouvé tant de bonheur.
   L'année dernière, le sacrifice a été consommé, et le poète s'est éteint
plein de douleur et de regrets.
   La famille a recueilli les poésies écrites de 1876 à 1878 et, en réim-
primant les Heures de paresse et les Heures de tristesse, y a joint un troi-
sième petit volume : Heures de souffrances, poésies posthumes, tout em-
preintes de la plus profonde mélancolie.
   La forme est aussi pure que le sentiment est vrai. Voici une petite
 pièce qui peut faire juger le volume :